Avec sa première exposition personnelle en France, l’artiste allemande poursuit sa réflexion sur le corps et les accessoires qui le recouvrent. Entre contact et isolement.
Léger comme un voile de nylon, il colle à la peau ; coriace comme une carapace de cuir, il protège le membre fragile ; réfléchissant comme un miroir, il capture le prédateur dans un dédale de faux-semblants. Plus qu’une simple parure, l’accessoire est nécessaire.
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Il est même le seul souvenir présent de ce qu’il venait autrefois compléter, ce corps dont l’absence est d’autant plus criante que tout en porte la trace. Au Crédac, à Ivry, Alexandra Bircken cisèle une exposition – sa première en solo en France – précise et brutale, où la contre-forme prend le pas sur la forme, et l’accessoire sur la substance.
Organisée autour de l’idée de la peau, ou plutôt de ces secondes peaux que l’homme fabrique pour se protéger, Stretch vient clore une trilogie inaugurée au Kunstverein à Hanovre, puis déclinée en un second chapitre au Museum Abteiberg de Mönchengladbach.
Une scénographie rappelant un show-room de mode
A travers l’agencement de matériaux autour d’un corps absent résonne l’héritage de ses années de formation à Londres dans les années 1990, où elle a étudié la mode à la Central Saint Martins : “L’orientation des études était très libre. Il s’agissait d’exprimer ses idées, de les formuler et de les transposer sur un corps vivant. Ce n’est qu’après que l’on vérifiait si le vêtement était portable et correspondait aux impératifs du secteur.”
Au Crédac, chacun des éléments pris séparément semble d’abord reconduire des topos éprouvés : des lieux communs de l’art contemporain, comme les motos coupées en deux, les sex-toys moulés en bronze, les touffes de cheveux humains ou les ready-made d’habits de motards, le tout présenté dans une scénographie rappelant un show-room de mode.
Et pourtant, le résultat est saisissant, justement parce qu’il exhibe, à l’échelle de l’exposition et des dialogues entre les pièces, toute l’ambiguïté de l’humanité contemporaine. Les tensions entre les matériaux – laine, Nylon, cuir, métal, bronze – et la série d’opérations minimales – coudre, mouler, diviser, accrocher – dressent le panorama d’un monde où la superposition de housses, enveloppes et autres carapaces étouffent l’humain à force de trop le protéger.
La solution ? Faire de la prothèse non pas le lieu de la protection mais celui de la vulnérabilité retrouvée. A l’image de la procession de mannequins de New Model Army 1-5 vêtus de combinaisons de moto, dont chacune est recouverte d’une mince pellicule de collants en Nylon couleur chair, rafistolés bout à bout pour laborieusement prendre les dimensions d’une nouvelle peau. Sublime. Ingrid Luquet-Gad
Stretch Jusqu’au 17 décembre, Crédac, Ivry-sur-Seine
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