La troupe de Jean-Christophe Meurisse s’attaque à l’identité nationale. Une dénonciation de la triste farce en cours dans la patrie des droits de l’homme.
Réunir une bande de cornichons des deux sexes et miser sur l’effet d’un manque de jambon blanc pour mettre le doigt là où ça fait mal quand la moutarde leur monte au nez. Manière d’en rire plutôt que d’en pleurer, les Chiens de Navarre déplient la nappe à carreaux des grands jours pour un déjeuner sur l’herbe prétexte à dénoncer, avec Jusque dans vos bras, ce mal français qui cristallise tant d’obscénités autour de la question de l’identité. Entre deux tranches d’amitié garantes d’un parler vrai, chacun y va de son grain de sel pour confectionner l’indigeste club sandwich de ces paranos au jour le jour qui transforment l’autre en un étranger.
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Traitant de la politique sur le modèle des films à sketchs du cinéma italien des années 1960 chers à Ettore Scola, Mario Monicelli et Dino Risi, Jean-Christophe Meurisse décline les mille et une manières qu’ont ses “monstres du XXIe siècle” de banaliser le racisme dans leurs propos. Un abécédaire de la bêtise au quotidien à déguster dans le déroulé coq-à-l’âne d’un panorama de tableaux vivants inspirés par l’actualité.
Coach des esprits et incarnation d’un pouvoir d’aujourd’hui qui cultive l’esprit des Pimprenelle et Nicolas du feuilleton Bonne nuit les petits pour jouer au marchand de sable, un Monsieur Loyal en trench-coat use de techniques new-age pour préparer la salle au pire en demandant à tous de fermer les yeux et se tenir par les mains.
La fin de nos familles politiques
Le saut dans le vide commence sous la pluie par le cérémonial d’un enterrement jeu de massacre. Une façon d’attester dans un déluge d’hémoglobine de la fin de nos familles politiques en les réunissant autour d’un cercueil recouvert du drapeau bleu-blanc-rouge. Sans vachette, mais avec deux requins dignes des frasques télévisées de l’époque d’Intervilles, le sauvetage en mer des migrants revisite en jeu participatif l’épreuve de force du tir à la corde.
Passer sans transition dans un bureau de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) devient une invite à pisser de rire quand il s’agit de remplir le questionnaire de la demande d’asile d’un Congolais ne parlant que le lingala. Le passage dans une famille d’accueil étant tout aussi éprouvant pour les zygomatiques, l’exercice de style prouve une fois de plus que rien n’est impossible aux Chiens de Navarre.
Menant sa meute partout où il y aurait à se salir les pattes dans le cambouis sociétal, Jean-Christophe Meurisse évite les leçons de mauvaise conscience. En digne petit-fils de Brecht, il se contente de flatter les nombrils de nos ventres repus pour désigner par ses chatouilles l’immonde en gestation derrière le propre sur soi.
Jusque dans vos bras par les Chiens de Navarre, mise en scène Jean-Christophe Meurisse, jusqu’au 2 décembre, Théâtre des Bouffes-du-Nord, Paris Xe. Tournée jusqu’en mai 2018
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