A Lyon, les étranges céramiques de Steven Claydon se voient ponctuellement dotées de vie par un son et lumière éphémère et cheap.
Il paraît que la première fois que Steven Claydon s’est rendu à Lyon, on lui a touché deux mots du passé gallo-romain de la ville. Grand érudit, Claydon aura certainement été frappé par ces anecdotes. Au point, comme dans la plupart de ses expositions, de s’en emparer pour tordre immédiatement le cou à cette mémoire collective, brouiller les pistes et réinventer dans le même temps un récit bien à lui, traversé par ses propres références (la musique électro-primitive, l’artisanat, le folk et l’art brut, l’histoire des objets anthropomorphiques) et une série de codes visuels qui convoquent, de façon tout à fait subconsciente, les antécédents lyonnais.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Résultat : deux installations minimalistes, moins sophistiquées que ses pièces précédentes (il expose actuellement dans le cadre du British Art Show, passé à Londres avant de faire escale jusqu’en août à Glasgow). La première met en scène deux céramiques émaillées, vert bouteille pour l’une, jaune moutarde pour la seconde, directement importées d’un restaurant londonien étrangement baptisé Mon Plaisir. Ces sculptures anthropomorphiques représentent un couple de personnages grotesques qui, ainsi disposés face à face et sur socles (socles eux-mêmes disposés sous une armature sommaire qui suggère l’environnement muséographique), font penser à des soldats droits dans leurs bottes.
Deux blasons lumineux, vert et jaune, amplifient le caractère insolite de la scène. Une troisième céramique, qui occupe à elle seule le centre de la deuxième salle, est une réplique amplifiée et détournée de ces ready-made : cette fois, le petit personnage à tête ronde se voit doté d’un phallus qui n’est autre que le manche d’un poêlon. La tête, amovible, et le torse involontairement fêlé renvoient immanquablement à la statuaire antique.
L’ensemble, totalement saugrenu, aurait pu rester dans cette torpeur un brin poussiéreuse du temps suspendu entre les époques. Sauf que Claydon, ex-musicien rétrofuturiste (expert en theremin, un boitier électronique équipé de deux antennes) du groupe electro Add N (To) X, a pour habitude d’animer ces installations. Ici, toutes les vingt minutes, le personnel de la galerie vient regreffer la tête de la troisième céramique et composer quelques notes sur un vieux synthé tandis qu’une lumière verdâtre balaie la sculpture. L’impact, réduit et de courte durée, est étonnamment assez stupéfiant. Comme si chaque objet, par définition inanimé, se retrouvait soudain ventriloqué par une force intérieure et jusque-là insoupçonnée.
Claire Moulène
Mon plaisir… …votre travail jusqu’au 30 juillet à La Salle de Bains, 27, rue Burdeau, Lyon Ier
{"type":"Banniere-Basse"}