Angelica Liddell poursuit son « Cycle des résurrections » avec une liturgie théâtrale qui creuse dans la chair de l’être pour
en extirper le noyau dur de l’amour.
Occupant le mur du fond, une copie monumentale de la Vénus d’Urbino du Titien est le seul mais imposant signe de volupté et de jouissance dans ce spectacle sombre et christique inspiré par la première épître de saint Paul aux Corinthiens. Mais aussi par Charles Manson – le meurtrier de Sharon Tate, la jeune épouse de Roman Polanski –, dont la photo de l’arrestation se superpose sur la peinture. Une référence réactivée avec l’apparition de femmes nues et tondues, qui s’allongent en cercle, jambes ouvertes, autour de l’acteur qui joue le rôle du Christ et du gourou, le corps nu recouvert de peinture dorée.
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Soumission, extase mystique, amour qui carbonise le corps, enflamme le cœur et exalte l’âme… Angelica Liddell nous avertit : si le sujet la préoccupe, il ne la concerne pas. “J’ai l’impression que nous, les non-croyants, sommes les seuls à savoir prier.” Parcours périlleux, douloureux, d’où s’absente tout plaisir pour appuyer là où ça fait mal, acérer les contours secs et tranchants de la mortification, de la souffrance, du manque et du sacrifice.
Révulsés ou fascinés par ce désert d’amour qu’on traverse
Scène clé du spectacle, le sang du Christ versé pour nous laver de nos péchés est “figuré” par une prise de sang effectuée sur l’acteur par une infirmière. Son sang suit le cours sinueux d’un tube transparent et s’écoule dans une poche de transfusion. Fil rouge de l’amour sacrificiel, l’image du sang qui suinte sur un linge blanc fait écho à la robe carmin que porte Angelica Liddell. Vibrante et inquiétante lorsqu’elle dit la “lettre de la reine du calvaire au grand amant”, en transe lorsqu’elle danse et donne corps à ces mots : “La réalité atrophie le désir alors que le divin l’exalte.”
En exergue au spectacle, une phrase d’Ingmar Bergman – “La foi, c’est comme aimer quelqu’un qui est là-bas dans le noir et qui ne vient pas, même quand on l’appelle de toutes ses forces” – sert de viatique au spectateur révulsé ou fasciné par ce désert d’amour qu’il traverse. Ombre portée consentante, témoin empathique ou observateur distant, selon la nature de chacun…
Première épître de saint Paul aux Corinthiens. Cantate BWV 4, Christ lag in Todesbanden. Oh, Charles ! d’Angelica Liddell, du 3 au 8 avril à Bonlieu, Annecy, bonlieu-annecy.com
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