Après Les Idiots de Lars von Trier l’an passé, le Russe Kirill Serebrennikov poursuit son exploration de la médiocrité humaine.
Au feu Les Ames mortes ! C’est bien là le sort que leur réserva leur auteur… De cette œuvre gigantesque, dix-sept ans de travail, il ne reste que la première partie, Les Aventures de Tchitchikov (publiée plus tard sous le titre Les Ames mortes), les suivantes ayant été brûlées par Gogol juste avant sa mort.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ce “Léviathan”, ainsi que Nikolaï Vassilievitch Gogol l’appelle lui-même, vaste roman-poème, est adapté et porté au théâtre par Kirill Serebrennikov, directeur du Gogol Center à Moscou, metteur en scène intempestif et iconoclaste, trublion de l’excellence culturelle russe… Et c’est à un nouveau feu que l’œuvre est saisie dans une contemporanéité dépourvue de clichés et de fautes de goût, s’attachant à la matière même de la littérature.
Satire impitoyable de la société russe
Tchitchikov souhaite faire fortune. Pour réaliser son but, il met au point une escroquerie destinée à duper le fisc et les propriétaires terriens. Il achète à vil prix des serfs, morts après le dernier recensement, mais encore vivants pour l’administration fiscale. Ces âmes mortes “vivent” encore des années dans les registres de l’Etat et leurs propriétaires continuent à payer l’impôt.
Serebrennikov déploie cette satire impitoyable de la société russe d’alors et de toujours dans un espace de bois brut à l’échelle du plateau, à la fois petite boîte d’allumettes où se débattent des insectes pris au piège par un enfant cruel entomologiste ou vaste poste de télévision déroulant inlassablement les travers ridicules d’une humanité en déshérence.
Des acteurs d’exception
Invariablement, la distribution entièrement masculine enchaîne les séquences, ponctuées de chansons, s’emparant de tous les personnages avec la même veine burlesque, comique, grinçante. Et l’œuvre est là, présente, sans actualité, hormis un certain homo-érotisme, ouverte au regard du spectateur comme un corps mort autopsié.
Portée par des acteurs d’exception, mise en scène sans concession, la médiocrité humaine, n’épargnant ni les riches, ni les pauvres, est ici révélée dans une farce inspirée et cinglante. Le rire alors se fait amer.
Les Ames mortes d’après Nikolaï Gogol, mise en scène Kirill Serebrennikov. Spectacle en russe surtitré en français du 20 au 23 juillet 2016, 15 h, Avignon, la Fabrica
{"type":"Banniere-Basse"}