Chaque mois, le meilleur de l’art contemporain à Paris et en région
Désirer sans entraves
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Le climat pourrait influencer la nature de l’être humain, soutenait déjà Montesquieu, qui dans De l’Esprit des lois allait jusqu’à corréler les différentes formes de gouvernement aux conditions météorologiques de chaque région du monde. En été, la chair s’alanguit et l’esprit s’évade vers des lointains azurés. Libérés de leur carcan quotidien, les désirs s’expriment enfin librement. L’exposition d’été, plus sexy, plus charnelle, est un rituel du monde de l’art et cette année, c’est à Marseille qu’il s’incarne. A la Friche la Belle de Mai, l’association Triangle France qui y est implantée et accueille chaque année le meilleur de la création émergente en résidence, assure le commissariat de l’exposition Vos désirs sont les nôtres. Réunissant sept artistes ou duos d’artistes, toutes les œuvres partent du corps pour aborder « les désirs troubles, les pulsions de contrôle, le doute face à l’autorité« . On y croise notamment les excellentes Pauline Boudry & Renate Lorenz (elles représenteront la Suisse à la prochaine Biennale de Venise), l’humour mordant de Liv Schulman, les sculptures transgenres de Jean-Charles de Quillacq ou encore, et c’est une découverte, les peintures afro-punk triomphantes de la toute jeune Kudzanai-Violet Hwami, que l’on retrouvera dès septembre à la Biennale de Rennes.
• Vos désirs sont les nôtres (commissariat Marie de Gaulejac & Céline Kopp), jusqu’au 21 octobre à la Friche la Belle de Mai à Marseille
Archi-moderne
Trois lettres pour l’une des plus grandes aventures collectives de la modernité : U.A.M. Trois lettres que l’on peut alors soit faire correspondre à l’ »Union des Artistes Modernes » ou à « Une Aventure Moderne ». Les deux sont justes, la première désignant l’appellation d’origine d’un collectif fondateur et pourtant relativement méconnu, rassemblant de 1929 à 1958 170 membres de toutes les disciplines qui, ensemble, révolutionneront l’histoire du modernisme et l’histoire tout court. La seconde option, c’est le titre qu’a choisi le Centre Pompidou pour l’exposition que consacre actuellement au mouvement l’institution. S’y dessine l’image d’un modernisme français quelque peu oublié dans le grand récit de l’histoire de l’art, alors que l’époque consacre New York comme nouvelle capitale mondiale de l’art. Parce que les principaux acteurs de l’U.A.M. étaient architectures, créateurs de mobilier, de bijoux, de tissus, graphistes ou affichistes aussi bien que peintres ou sculpteurs s’écrit également une réhabilitation des arts dits « mineurs » (mais tout ici crie le contraire). Après avoir consacré Le Corbusier en 2015, le voilà désormais réintroduit dans l’effervescence de son époque – aux côtés de Mallet-Stevens, Eileen Gray ou Pierre Chareau.
• U.A .M. Une aventure moderne, jusqu’au 27 août au Centre Pompidou à Paris
Le sexuel est politique
Qui dit Monaco ne dit pas forcément musée, et encore moins art contemporain. A tort, puisque le Nouveau Musée National de Monaco (NMNM) ose cette saison une exposition aussi pointue qu’audacieuse. Comme à Marseille, l’exposition d’été fait des siennes et orchestre, sous le commissariat du mexicain Chris Sharp, une relecture sensuelle et subtile d’un peintre dont on croyait déjà tout connaître : Tom Wesselmann. Montré en 2016 à la Galerie Almine Rech, ses bouches lascives, tétons fruités et autres friponneries peintes en facture ultra-lisses sont les favorites de toutes les foires d’art contemporain. C’est oublier que l’œuvre de ce maître du Pop Art, disparu en 2004, traduit aussi l’émergence, dans l’Amérique de l’après-guerre l’émergence d’une femme forte, libre et autodéterminée. Car l’opulence des sens qui s’y exprime, cette frénésie célébratoire est aussi celle d’un pays qui s’éveille, en même temps qu’à la libération sexuelle, à l’opulence de la société de consommation. Or en ces temps où les nouveaux censeurs moraux s’empressent de décrier le moindre téton, il est plus que jamais urgent d’oser à nouveau regarder les corps conquérants de Wesselmann.
• Tom Wesselmann, la promesse du bonheur (commissariat : Chris Sharp ), jusqu’au 6 janvier au NMNM à Monaco
Diplômés, délivrés
Avis de tempête aux Beaux-Arts de Paris, où le directeur Jean-Marc Bustamante quittera son poste à la rentrée suivante, empêtré dans la mauvaise gestions d’affaires internes à l’école de harcèlement sexuel et de racisme. Le climat délétère de ces quelques derniers mois n’aura pas empêché une nouvelle session d’étudiants de passer leur diplômes et de s’en aller grossir les rangs de la création émergente que l’on attend au tournant. En attendant, les diplômés de l’an passé s’exposent entre les murs de l’école a Palais des Beaux-Arts, qui accueille toute l’année une programmation d’expositions indépendante, et au Palais des études, quant à lui en général soustrait aux regards inquisiteurs. Rendez-vous annuel, le format de l’exposition Felicità change cette année insensiblement. Autrefois réservé aux seuls étudiants félicités, c’est cette fois l’ensemble des étudiants diplômés que l’on s’empressera de découvrir. Et tenter de dénicher les diamants bruts qui seront les joyaux de la création de demain.
• Felicità 18, jusqu’au 24 juillet aux Beaux-Arts de Paris
Derniers jours : Mathis Altmann
Denses et ultra-précises, les miniatures de l’allemand Mathis Altmann sont un condensé de la vie moderne. Tout n’est pas beau à voir, mais rien n’y manque, depuis la basket Balanciaga dégoulinant de matière jaunâtre jusqu’au temple de la nuit dont les éclairs roses et bleus révèlent par intermittence les déchets toxiques qui en constituent les piliers. Ainsi est la matière du contemporain, inexorablement contaminée, brouillée, mêlée à jamais d’organique et de synthétique mais n’en générant non moins des émotions à fleur de peau, quelque chose comme le sublime d’antan dont les images contemporaines, les équivalents des vitraux des cathédrales et des verres renversés des natures mortes, manquaient encore. A la galerie angeleno Freedman Fitzpatrick récemment installée au 8 rue Saint Bon à quelques encâblures de Beaubourg, le sublime radioactif et griffé s’expose – et c’est l’une des grandes découvertes du printemps.
• Mathis Altmann. Shovel of the Garbage Collector, jusqu’au 21 juillet à la galerie Freedman Fitzpatrick à Paris
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