Chaque mois, retrouvez dans “Les Inrockuptibles” le meilleur des expositions à voir en France.
Alex Katz : 60 Years of Printmaking
Artiste majeur de l’art pictural américain, né avec le Pop Art, mais ayant traversé les années et les modes jusqu’à nos jours dans une fidélité renouvelée à son geste et à son dessin, Alex Katz trouve à la galerie Thaddaeus Ropac de Pantin un écrin magistral pour appréhender soixante ans de carrière.
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L’accrochage de ses nombreux portraits, fascinants par leurs traits minimalistes et leurs aplats de couleurs vives, permet d’approcher le mystère d’un artiste capable de donner vie à un simple visage avec une économie de moyens esthétiques. Chacune de ses figures est comme une apparition, un surgissement physique au cœur de la toile, comme un nouvel ami que l’on serait prêt à se faire, tellement le peintre tend à les rendre attractives par le mystère de ses traits sobres et intenses.
De salle en salle, les “silkscreen”, les sérigraphies, les paysages, les portraits serrés de visages de femmes un peu austères, mais au regard pénétrant, rappellent la puissance narrative d’une œuvre pleine de personnages élégants. Coïncidant avec une exposition des peintures récentes à la Fondazione Giorgio Cini de Venise, ainsi qu’une présentation de quatre de ses peintures monumentales au Museum of Modern Art de New York, à partir du 4 juillet, 60 Years of Printmaking honore avec éclat la beauté d’une œuvre dans laquelle on aimerait vivre, ne serait-ce que pour fréquenter ses modèles, vivre dans la simplicité de ses couleurs pop.
Alex Katz : 60 Years of Printmaking, galerie Thaddaeus Ropac, Pantin, jusqu’au 23 juillet.
Katharina Grosse : Déplacer les étoiles
Une ode à la couleur, au drapé, à la peinture perforant l’espace architectural : l’artiste allemande Katharina Grosse enchante d’un geste magistral le Centre Pompidou-Metz, où la directrice Chiara Parisi l’a invitée pour une exposition monographique déployée dans trois espaces, intérieurs (la Grande Nef, le Forum) et extérieurs (le parvis). Autonomes par leur inscription dans des espaces différenciés, mais reliées par un même élan pictural investissant la couleur dans ses possibilités infinies grâce à la technique du vaporisateur qui couvre toutes les surfaces (sols, murs, objets, lit, tissus…), les trois installations consacrent la manière dont Katharina Grosse produit ses pièces in situ.
Car l’art de Grosse se joue de la peinture sacralisée pour la détourner et la rattacher à l’environnement qui l’accueille, et qui la détermine d’une certaine manière. C’est moins la peinture en elle-même qui l’intéresse que la peinture détournée de son usage et de ses fonctions premières, passant du support à la surface, de la toile accrochée au mur aux toiles suspendues, ou encore aux sols d’un parvis.
L’impressionnante installation au cœur de la Grande Nef, conçue à l’origine pour un théâtre à Sydney, embarque le visiteur dans un voyage un peu lunaire et mental, qui trouble la marche habituelle dans un espace muséal. Ici, comme si elle déplaçait une étoile en la faisant atterrir à Metz, des montagnes de draps colorés (plus de 8000 m2 de tissus suspendus au plafond) enveloppent le spectateur, pris de vertige par l’échelle d’une expérience contemplative sidérante, sur une autre planète qui pourrait aussi être un décor de théâtre. “Je suis à la recherche d’une peinture qui soit en contact avec le corps, qui s’adresse à l’ensemble de l’intelligence corporelle et qui puisse apparaître dans toutes les fibres de notre être”, explique Katharina Grosse, dont le lit coloré, premier objet qu’elle ait peint à la bombe, rayonne aussi de tous ses mystères dans le forum. Des étoiles dans les yeux.
Katharina Grosse : Déplacer les étoiles, Centre Pompidou-Metz, du 1er juin 2024 au 24 février 2025.
Raphaël Zarka : Tautochrone
Artiste-sculpteur, passionné par le skateboard, Raphaël Zarka s’apprête à réaliser cet été sur le parvis du Centre Pompidou la sculpture monumentale Cycloïde Piazza, rampe cycloïdale inspirée de l’architecture des skateparks et de la sculpture de l’artiste polonaise Katarzyna Kobro. En écho à ce projet estival lié à l’Olympiade culturelle, l’artiste présente à la Galerie Mitterrand la maquette d’une nouvelle œuvre de cette série : Cycloïde Square. Mais aussi d’autres sculptures, comme Le Cénotaphe d’Archimède, qui fait référence à la virtuosité technique et esthétique des cheminées Tudor en Angleterre, ainsi qu’un nouvel ensemble de peintures intitulé Bois Gnomoniques dont les formes découlent de l’intérêt de l’artiste pour des cadrans solaires écossais du XVIIe siècle.
Explorant le concept du “tautochronisme” et la forme de la vieille courbe tautochrone – deux corps lourds chutant le long d’une courbe cycloïdale arriveront toujours en même temps au point le plus bas quel que soit leur point de départ ! –, Zarka puise dans l’histoire des techniques des ressources pour repenser la forme actuelle des rampes de skateboard. Un artiste souple et acrobatique, qui glissera au cœur de notre été olympique.
Raphaël Zarka : Tautochrone, Galerie Mitterrand, Paris, jusqu’au 27 juillet.
Rirkrit Tiravanija : A Lot of People
Artiste phare de ce que le curator Nicolas Bourriaud a appelé “l’esthétique relationnelle” dans les années 1990, Rirkrit Tiravanija a utilisé la présence de “beaucoup de gens” comme matériau essentiel de sa pratique artistique. L’exposition de LUMA Arles, Rirkrit Tiravanija : A Lot of People, conçue en partenariat avec le MoMA PS1, où elle a été présentée en 2023, revisite quatre décennies d’une œuvre singulière et généreuse, depuis ses premières expérimentations d’installations et de films aux œuvres sur papier, en passant par des photographies, des œuvres éphémères, des sculptures et des “jeux” nouvellement produits créés à partir d’installations participatives.
Curatée par Vassilis Oikonomopoulos, cette rétrospective salue le travail d’un artiste qui n’a cessé d’élargir la dimension sociale de l’art, en invitant des personnes de tous horizons à habiter les espaces personnels et poétiques qu’il construit et à s’engager collectivement dans des rituels et des actions partagés. L’occasion de redécouvrir une œuvre majeure du paysage de l’art contemporain, qui a préfiguré avant beaucoup d’autres la nécessité d’une nouvelle politique de la relation.
Rirkrit Tiravanija : A Lot of People, LUMA Arles, du 1er juin au 3 novembre 2024.
Thomas Struth : Nature & Politics
Prises ces dernières années au sein de deux prestigieux centres de recherche scientifique (l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire et de l’Institut Leibniz pour la recherche sur la faune sauvage et de zoo), les photographies de Thomas Struth questionnent notre obsession collective à défier la nature et notre désir éternel de repousser les limites de la connaissance humaine. Rarement accessibles, ces lieux de recherche sont l’occasion pour le photographe allemand, formé à la Kunstakademie de Düsseldorf, de consolider sa manière de produire des images panoramiques et immersives visant à proposer de vraies installations sculpturales à partir des paysages technologiques qu’il observe.
Cherchant à “montrer ce que les autres ne voient pas”, y compris l’idée floue qu’ils se font de la recherche scientifique, Thomas Struth s’attarde sur la vie de laboratoire où gisent des dépouilles d’animaux avant leur dissection. “J’ai essayé de représenter les animaux d’une manière belle et digne”, explique le photographe. “Je m’intéresse à l’idée d’abandon : une fois que l’on meurt, tout le cirque et le théâtre que l’on s’active à mettre en place, s’arrête complètement. Ces images ont vocation, comme des coups de poing, à nous remettre la mort en mémoire, comme une alarme.”
Thomas Struth : Nature & Politics, galerie Marian Goodman, Paris, jusqu’au 26 juillet.
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