Le meilleur des expositions d’art contemporain dans toute la France en juin 2019.
Dédoublements en série
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Brice Dellsperger est né à Cannes. S’il se destinait certes à une vie de cinéma, il n’a cependant jamais vraiment collé à la définition standard de l’acteur. Normal, il est artiste, et pratiquera alors, par rapport à l’acteur, la posture de l’écart dans ses apparitions à l’écran. Depuis le début des années 1990, date à laquelle il réalise ses premières œuvres, Brice Dellsperger est à la fois plus et moins présent qu’un acteur au sens classique. Plus, parce que les personnages, il les incarne tous, tout simplement. Moins, parce qu’il ne sera jamais que la doublure d’un autre personnage de film, habité lui par un seul acteur, l’image d’une image.
Ce procédé, c’est le sien, poursuivi comme une obsession : faire incarner méticuleusement tous les personnages d’un film par le même acteur, Brice Dellsperger lui-même au début de sa carrière, un autre artiste, notamment sa muse Jean-Luc Verna, dans ses œuvres plus tardives. Ce procédé, et les films qui en résultent, Brice Dellsperger l’appelle Body Double – une référence au film du même nom de Brian de Palma. Kubrick, De Palma, Lynch, Zulawski : une vingtaine d’années, et de films, plus tard, Brice Dellsperger les a tous recréés. Cet été, il sera doublement (forcément) mis à l’honneur, avec deux expositions niçoises : une nouvelle installation à la Villa Arson et une rétrospective à La Station.
• Fucking Perfect Body Double 36, du 30 juin au 13 octobre à la Villa Arson et L’âge du double, du 3 juillet au 28 septembre à La Station à Nice
Montpellier is burning
Montpellier brûle, investie tout l’été par les artistes à l’occasion de l’inauguration de l’Hôtel des collections. Dernière pièce manquante du MO.CO, pour Montpellier Contemporain, celui-ci s’ajoute au réseau artistique composé de la Panacée et de l’Ecole des Beaux-Arts. Sous la direction de Nicolas Bourriaud depuis 2015, la Panacée a déjà accueilli plusieurs expositions marquantes, dont Mulholland Drive (2017) ou Crash Test (2018). L’Hôtel Montcalm, lui, aura pour vocation d’héberger un dépliage de différentes collections à travers le monde.
A commencer, pour l’exposition inaugurale, par la collection Ishikawa, collection privée initiée en 2011 par l’entrepreneur japonais Yasuharu Ishikawa et hébergée au sein de la fondation du même nom à Okoyama. Au fil d’un ensemble d’œuvres détonnant d’une sensibilité minimale, conceptuelle et post-conceptuelle (dont Pierre Huyghe, Felix Gonzalez-Torres, Dahn Vo, Shimabuku ou Simon Fujiwara), Yuko Hasegawa, directrice artistique du Musée d’Art Contemporain de Tokyo et commissaire de l’exposition, a réuni une trentaine d’œuvres autour d’un thème, et d’un titre : Distance intime. Un thème, ou plutôt son absence, le déroulé des œuvres se donnant davantage comme une rencontre à chaque fois renouvelée avec un lointain, si proche soit-il.
• Week-end d’ouverture de l’Hôtel des collections les 28 et 29 juin. Exposition Distance intime (cur. Yuko Hasegawa), du 29 juin au 29 septembre à l’Hôtel des collections. A voir aussi : exposition La rue. Où le monde se crée (cur. Hou Hanrou) à la Panacée et 100 artistes dans la ville – ZAT 2019, parcours urbain d’art contemporain à Montpellier
L’œuvre de l’icône
Photographe, de mode ou de rue, puis peintre et, on s’en voudrait presque de le préciser, muse : Dora Maar restait surtout connue pour sa relation avec Picasso, rencontré au mitan des années 1930, qui n’aura de cesse de peintre son portrait. Par ce prisme, l’histoire en retiendra l’essence du mythe, celui d’un féminin voluptueux et tourmenté, tragique également, puisqu’elle finira recluse et mystique.
Or lorsqu’il la rencontre, Dora Maar, née en 1907, est déjà artiste. Sa carrière placée sous le signe du surréalisme est déjà bien entamée, elle n’a plus grand-chose à prouver à qui que ce soit. Ce constat, et la redécouverte de l’artiste derrière la femme, il restait encore à le démontrer. Avec la grande exposition rétrospective que lui consacre le Centre Pompidou en collaboration avec le Getty Museum de Los Angeles et la Tate de Londres, à travers quelque cinq cents œuvres et documents réunis pour l’occasion, c’est désormais chose faite
• Dora Maar, jusqu’au 29 juillet au Centre Pompidou à Paris
Dans ma chambre (avec ma caméra)
Dans le processus lent, très lent, mais enclenché, de la réception de Guillaume Dustan, la rétrospective de ses films marque une étape supplémentaire. Prématurément décédés en 2005, les romans autobiopornographiques de celui qui fut, à la ville, magistrat, sont cultes et pourtant longtemps restés introuvables : épuisés, non traduits. Cultes, ses romans, que POL republient en 2013 en volume (Œuvres I, comprenant Dans ma chambre – Je sors ce soir – Plus fort que moi) et en 2019 en poche (Dans ma chambre). Culte, également, sa stature d’intellectuel médiatique, connu, sinon pour son Prix de Flore en 1999 pour Nicolas Pages, du moins pour ses nombreux passages houleux à la télévision – chez Thierry Ardisson notamment.
Les films, alors, permettent d’éviter la récupération lissée de son œuvre : les seuls romans sanctifiés, oblitérant la personnalité éruptive de celui dont les positions sur l’utilisation du préservatif, l’opposant à Didier Lestrade d’Act Up, ont souvent été perçues comme clivantes. Ces films, il les tourne lui-même, retournant l’objectif sur lui-même, dans une démarche warholienne à rapprocher de l’écriture autofictionnelle à la première personne de ses livres. Entre 2004 et 2005, il en réalisera 17. Jamais montrés de son vivant et pour la plupart inédits, ils sont désormais montrés entre trois lieux à Paris : le project-space Treize les diffuse en continu jusqu’à la fin du mois, le Centre Pompidou et le cinéma Luminor Hôtel de ville accueillant des programmations thématiques introduites par des intellectuels ou artistes proches de l’auteur.
• Les films de Guillaume Dustan (2002-2004), jusqu’au 30 juin, à Treize à Paris. Programme de projections et de conférences organisées par Julien Lauguer Pascaline Morincôme et Olga Rozenblum à au Centre Pompidou et au cinéma Luminor à Paris.
Peindre avec son temps
Longtemps itinérante, la jeune galerie Sans Titre (2016) essaime depuis une poignée d’années de Paris à Marseille, et construit son identité d’hôtel particulier délaissé en stand de foire. Pilotée par Marie Madec, la galerie offre une scène, et une visibilité, à de jeunes artistes le plus souvent sortis de l’école ou en début de carrière, souvent issus d’une scène européenne plutôt que parisienne. Depuis fin mai, la galerie s’est installée entre des murs pérennes, investissant une ancienne loge de théâtre dans le 10e arrondissement.
La première exposition profite de la situation d’entre-deux fonctions, entre théâtre et galerie, pour présenter trois jeunes peintres travaillant autour de la notion de décor et d’artifice. Et dresser ce faisant un aperçu de l’état de la jeune peinture à travers les œuvres de Tanja Nis-Hansen, Sarah Margnetti & Georgia Sowerby. Une peinture d’images, rapide et nerveuse, assumant pleinement l’artifice et le décoratif, l’amour des textures et les délices d’une sensibilité néo-goth.
• La première, jusqu’au 6 juillet à Sans Titre (2016) à Paris
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