Un tour de France en cinq étapes parmi les expos les plus inventives de l’été.
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A Quimper : Alfred Jarry en commissaire posthume
Alors qu’Olivier Martin Salvan secoue le Festival d’Avignon avec son Ubu sur la butte ventripotent et itinérant, le Père Ubu poursuit sa tournée à Quimper où le centre d’art Le Quartier a eu la bonne idée d’imaginer un “safari Jarry” qui se conclura à l’automne à la Ferme du Buisson, en région parisienne. Pour cette première étape, ce sont douze artistes (de Pauline Curnier Jardin à Benjamin Seror en passant par Julien Bismuth ou Roee Rosen) qui ont été réunis pour dresser un portrait en creux du poète, dramaturge et inventeur de la pataphysique.
“Convoquant de la sorte la figure de Jarry comme commissaire posthume, Alfred Jarry Archipelago se compose d’un chapelet d’îlots matérialisant l’univers de divers artistes pour esquisser une vision résolument subjective de son héritage”, expliquent les commissaires Keren Detton et Julie Pellegrin en préambule de cet acte I sous-titré “La valse des pantins”.
Alfred Jarry Archipelago : La valse des pantins – Acte I, du 5 juin au 30 août au Quartier Centre d’art contemporain de Quimper
A Marseille : piétiner Guillaume Leblon
Fouler, littéralement, les œuvres d’art. Leur marcher dessus, les écraser ou faire des ronds de jambes et les caresser délicatement de la pointe des pieds. S’il n’est pas le premier à faire sauter ce verrou de la relation pudique qui assigne depuis des siècles spectateurs et œuvres d’art à des rôles bien définis, Guillaume Leblon a fait de ces environnements praticables l’une de ses marques de fabrique. En 2011, c’est un paysage mat et fossilisé, un caisson de confinement qui assourdit les pas et les rumeurs, qu’il déploie à la Fondation Ricard. Un an auparavant, il imagine pour le Grand Café de Saint-Nazaire (avant de rejouer cet environnement lors de sa grande exposition à l’IAC de Villeurbanne en 2014) une mosaïque grandeur nature d’éléments “socialement marqués”, en formica, aggloméré, mélaminé, que le spectateur est invité à parcourir. Ici aussi, la promenade est silencieuse, cérémonieuse presque, tant on prend garde à ne pas troubler la quiétude de cimetière de démembrés.
A Marseille, en revanche, dans la grande salle du Panorama de la Friche Belle de Mai, où se déploie une marée noire d’objets rebuts, ça crisse, ça résonne et ça retentit lorsqu’on martèle d’un pas mal assuré les dizaines de carcasses métalliques que Guillaume Leblon est allé prélever dans les décharges et les casses de la cité phocéenne et qu’il a cousues ensemble pour dessiner ce paysage aplati.
Ici c’est tout le bruit du monde qui se fait entendre, à travers ses mal-aimés et ces délaissés que nous produisons à la chaîne avant de les abandonner sur le bord des routes comme l’on se débarrasse de son animal de compagnie une fois l’été venu. « De ces formes souterraines du flux social, Guillaume Leblon n’a retenu que leurs contours, leurs masses, leurs surfaces » nous dit le texte qui accompagne l’exposition. Il vous reste quelques jours pour joncher ce monde qui s’étale à vos pieds et dont il serait temps d’arrêter de le piétiner.
Le poids que la main supporte, Guillaume Leblon, jusqu’au 2 août à la Friche Belle de Mai, Panorama, Marseille
A Dijon : les miroirs déformants de Brian Calvin
Chez Brian Calvin, à qui Éric Troncy, fan de la première heure, déroule le tapis rouge dans la grande salle du Consortium, on fume clope sur clope, on fait le signe de la paix, on noie son chagrin ou son ennui dans la bière et on fait les yeux pas vraiment doux au visiteur qui aurait l’indécence de troubler cet entre-soi. Adeptes des selfies, les personnages mélancoliques ou dédaigneux de Brian Calvin s’amusent aussi à se dédoubler, à s’étirer ou à se regarder dans un miroir déformant. A l’image de ces sœurs jumelles sur fond rose poudré, un petit soleil pâle en ligne de mire. Sur la toile de droite, elles nous reluquent, nous narguent, avec leur air de ne pas y toucher malgré les larmes qui perlent déjà au coin des paupières. Sur l’image de gauche, le portrait double semble avoir été aspiré par le haut, si bien que les deux sœurs ont le visage déformé et la mine bancale. Et c’est nous qui reprenons le dessus.
Brian Calvin, jusqu’au 27 septembre au Consortium, Dijon
A Sérignan : Francisco Tropa antipodiste
Au Musée de Sérignan, l’artiste portugais Francisco Tropa propose un carottage du monde et de ses strates culturelles dans une expo-fiction vertigineuse. Soit une vraie-fausse expédition archéologique qui après l’exploration de trois sites (“Partie submergée”, “Chambre violée” et “Terra platonica”) lors de précédentes expositions se conclut ici par l’excavation d’un dernier ensemble d’objets découverts dans un puits situé dans les tréfonds de la croûte terrestre.
Or ce puits renferme, nous dit Tropa, la clé du mystère. L’avènement, en vase clos, d’un nouveau système spatio-temporel qui se traduirait sous la forme d’une bulle de savon en lévitation, et dont une petite armée d’objets contraires baptisés “antipodes” constituerait les instruments de navigation. Avec un répertoire de formes finalement très simple, qui emprunte à la géométrisation du monde, Tropa désenfouit, autant qu’il complexifie, la logique du monde des formes et des images. Chez lui, chaque objet est tout à la fois une monade et sa réplique, l’original et sa copie – ou son héritier.
TSAE, Francisco Tropa, jusqu’au 30 août au musée régional d’Art contemporain de Sérignan, www.mrac.languedocroussillon.fr
A Nice : les artistes bricologues
C’est une des tendances de ces dernières années : entre ce qu’on a appelé le “nouvel art pauvre” et le recours fréquent chez nombre d’artistes au “do it yourself”, la bricologie, qui donne son nom à cette expo de groupe de la Villa Arson, est devenue un genre à part entière. Conçue par les artistes Sarah Tritz et Burkard Blümlein ainsi que l’historien de l’art Thomas Golsenne – tous enseignants à la Villa – elle réunit des artistes de générations et d’horizons différents qui ont en partage le goût du faire et de la matière.
Sans toutefois tomber dans une nostalgie de l’artisanat puisque l’exposition, comme en atteste son sous-titre (“la souris” – d’ordinateur – et “le perroquet” – des designers industriels), regarde aussi du côté des pratiques liées aux nouvelles technologies. Avec, entre autres, les œuvres de Xavier Antin, Siah Armajani, David Bielander, Chris Bierl, Liz Deschenes, Thea Djordjadze, Fabien Giraud & Raphaël Siboni, Sofia Húlten, Florentine & Alexandre Lamarche Ovize, Clément Rodzielski ou Mika Rottenberg.
“Bricologie. La souris et le perroquet”, exposition collective, du 15 février au 31 août à la Villa Arson à Nice.
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