Wajdi Mouawad transforme ”L’Enlèvement au sérail” en une comédie lyrique qui prend le parti des femmes et renvoie dos à dos les machismes d’Orient et d’Occident. L’opéra de Mozart se déguste avec délice sous la direction musicale de Stefano Montanari.
Après avoir été emprisonné dans un sérail en Turquie, les jeunes gens de cette maison sont de retour au pays. C’est dans le désordre joyeux d’une fête improvisée que s’ouvre cet Enlèvement au sérail. L’assemblée des convives porte des costumes d’époque en référence à l’année 1782 où l’opéra fut créé par Mozart au Burgtheater de Vienne.
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(© Jean-Louis Fernandez)
Tout laisse à penser que le metteur en scène Wajdi Mouawad et le chef Stefano Montanari jouent la carte de la fidélité à l’œuvre… Et s’il était nécessaire d’en avoir la confirmation, la traduction des récitatifs en langue allemande témoigne à la lecture des surtitres en français d’un style d’écriture propre au XVIIIe siècle. Pourtant cette entrée en matière est une pure invention. S’amusant à pasticher le livret original, Wajdi Mouawad a décidé d’y ajouter un prologue et d’en réécrire les récitatifs pour la bonne cause… Son but : éviter le risque que l’on puisse interpréter l’enlèvement de deux Européennes retenues durant deux ans dans un sérail comme un brûlot xénophobe où l’on se paye à bon compte de la tête des Turcs et où l’on condamne unilatéralement le statut des femmes dans la culture orientale.
“Entre le corset et le sérail”
Avec ce prologue Wajdi Mouawad s’interroge sur la manière dont Constance et Blonde ont vécu l’épreuve de leur enlèvement. Décidant que cette mésaventure avait fait d’elles des femmes désireuses de se libérer de l’oppression des hommes, il renvoie dos à dos des conceptions occidentales et orientales qui s’entendent pour priver les femmes de leur libre arbitre. Résumant son propos d’une phrase, il rappelle qu’“entre le corset et le sérail” les femmes à l’époque de Mozart n’avaient que le choix de leur emprisonnement.
A la manière d’une série de flash-backs, l’opéra détaille les étapes de cette prise de conscience. Chaque épisode du récit est une occasion pour Wajdi Mouawad de caviarder les répliques originales des insolents commentaires de nos deux féministes. On rit alors beaucoup de la dénonciation de cette phallocratie qui réunit Orient et Occident sous un même drapeau.
Jubilant de la belle farce jouée à Mozart, les chanteurs nous régalent autant par leurs performances vocales que par la justesse de leurs répliques à surprise. Longuement applaudis par une salle comblée au soir de la première, l’ensemble des interprètes, Stephano Montanari et Wajdi Mouawad peuvent être fiers d’avoir démontré qu’avec un peu humour et beaucoup d’amour pour Mozart, on pouvait réactualiser les vertus comiques d’une œuvre sans pour autant la dénaturer.
L’Enlèvement au sérail opéra de Mozart, direction musicale Stefano Montanari, mise en scène et réécriture des dialogues Wajdi Mouawad. Avec Jane Archibald (Konstanze), Joanna Wydorska (Blonde), Cyrille Dubois (Belmonte), Michael Laurenz (Pedrillo), David Steffens (Osmin) et Peter Lobmeyer (Selim).
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