Discours de haine, entretiens d’embauche standardisés, etc., la Suite n° 3 de L’Encyclopédie de la parole met en scène et en musique ces mots que l’on préférerait ne pas entendre.
Projet à la fois artistique et documentaire, L’Encyclopédie de la parole s’est constituée en 2007 pour collecter et étudier des documents sonores en s’attachant à la forme plus qu’au fond. Il associe des personnes de tous horizons : chercheur en linguistique, actrice, metteur en scène, commissaire d’exposition, enseignante, créateurs plus inclassables, le groupe se renouvelant régulièrement.
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De cette somme de paroles récoltées sont nés plusieurs projets dont, depuis 2014, un cycle de quatre suites chorales reposant toutes sur le même principe : la reproduction vivante d’enregistrements tirés de la collection de L’Encyclopédie de la parole. La Suite n° 1 “ABC”, déjà présentée dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, se consacrait à la matière même de la langue, sa masse, ses fonctionnements.
Cette épopée langagière se consacrait aux paroles porteuses de sens qui ont eu un effet dans le monde
Comment apprend-on à parler ? Comment prend-on la parole ? Réunissant vingt-trois interprètes et brassant neuf langues en quarante-cinq scènes, cette Suite composait comme un abécédaire de la parole ordinaire, sa quotidienne étrangeté, le plaisir de dire et d’entendre ce que l’on ne comprend pas.
La Suite n° 2 se présentait quant à elle sous forme de quintet et explorait les voies du sens. Composée de phrases, de mots, de bribes de discours, de slogans publicitaires, de conférences, de dialogues TV, de messages téléphoniques, cette épopée langagière se consacrait aux paroles porteuses de sens qui ont eu un effet dans le monde.
https://www.youtube.com/watch?v=1nwRjgSHqfA
D’un tout autre genre encore, la Suite n° 3 “Europe” assume par les grands drapés blancs de sa scénographie une forme plus figée, moins ludique que les précédentes, un mode opératique implacable. Méthodiquement, intrinsèquement tricotés avec la musique composée par Pierre-Yves Macé et jouée au piano en scène par Denis Chouillet, les Message du ministère de l’Intérieur de l’Etat français (Paris, 2016), Extrait d’un discours de campagne électorale (La Valette, 2017), Extrait de la chaîne YouTube d’une consommatrice (Barcelone, 2015), Observations d’un entraîneur de football après le match (Arrezzo, 2015), et autre Séance de vote au parlement (Athènes, 2013) composent un opéra récitatif magnifiquement porté par Bianca Iannuzzi et Laurent Deleuil.
https://www.youtube.com/watch?v=YpH-e73P3Yo
Offrir un autre visage aux paroles quotidiennes qui ne nous révoltent plus
Les textes choisis, plus longs que dans les précédentes suites, semblent aussi moins éclatés, plus sombres, donnant à voir toutes les scories nauséabondes de la société du commentaire dans laquelle nous vivons. Et l’ennui qu’ils génèrent, au point de ne plus les entendre.
C’est là que la musique de Pierre-Yves Macé, installant un véritable dialogue avec ces éclats de textes collectés aux quatre coins du monde, parfois les épousant pour mieux en surligner l’insondable bêtise, parfois jouant en contre pour en révéler les plus sombres et enfouis aspects, offre un tout autre visage à ces flots de paroles quotidiennes qui ne nous révoltent plus. La musique comme révélation des contradictions langagières les plus sourdes.
Suite n° 3 “Europe” Les 30 et 31 janvier 2018, Théâtre 95/L’Apostrophe, Cergy-Centre, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
Blablabla jusqu’au 9 décembre, Théâtre de Gennevilliers
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