Chaque semaine, le meilleur des expositions art contemporain, à Paris et en province.
Wolfgang Tillmans
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Il s’est fait un nom dans les années 1990 en photographiant la scène rave berlinoise naissante pour le magazine i-D. Et d’ailleurs, depuis quelques semaines, les habitués du Berghain à Berlin auront pu constater le renouvellement des trois grandes photos qui en ornent habituellement les murs. Ces tirages, ceux de Wolfgang Tillmans, ont ainsi été remplacés par trois autres de sa nouvelle série : de gigantesques photographies abstraites montrant un motif pixellisé. C’est cette série, datant de 2014, que l’on retrouvera à la galerie Chantal Crousel à Paris. Elle y voisinera avec une autre, qui donne son titre à l’expo : Lignine Duress, où il dresse le portrait d’arbres sinistrés lors de la tempête de 2014 en Allemagne, représentés comme des humains brisés en plein élan. Dans les deux cas, tout est à recomposer par le spectateur : chacun interprète les photographies de manière différente – soit que la trame pixellisée de la reproduction grignote le réel, soit que le réalisme « deadpan » du cliché numérique semble nous présente la scène elle même, sans cadrage ni composition. Parmi les plus novatrices actuellement, la pratique photographique de Wolfgang Tillmans ne cesse de s’interroger sur la manière dont le réel se donne à nous – et pas seulement dans les darkrooms d’un club berlinois.
« Lignine Duress » de Wolfgang Tillmans, du 18 avril au 23 mai à la galerie Chantal Crousel à Paris
Marcel Broodthaers
Bienvenu au Musée d’art Moderne – Département des Aigles. Ce projet tentaculaire et conceptuel auquel l’artiste et poète belge Marcel Broodthaers dédia 4 ans de sa vie, entre 1968 et 1972, (sur les dix années que comptèrent sa vie d’artiste), fait escale, le temps d’une rétrospective « intuitive », à la Monnaie de Paris. On y découvrira entre autres des fragments de la Section des Figures qui présentait au musée de Düsseldorf en 1972 un ensemble de 300 objets et sculptures accompagnés de la mention « Ceci n’est pas un objet d’art. » « En 68, peu de temps d’ailleurs après cette vague de contestation que nous avons connue, nous nous sommes réunis pour tenter d’analyser ce qui n’allait pas au point de vue artistique en Belgique », racontait à propos de la genèse de ce musée d’art moderne fictif son directeur autoproclamé, Marcel Broodthaers :
« On en a parlé pas mal autour de nous et finalement j’attendais 60, 70 personnes. Cet atelier est assez vide, il n’y a que deux, trois chaises. Je me suis dit : ‘Comment les asseoir ?’ J’ai eu l’idée de téléphoner à une firme de transport assez connue ici (Menkès) pour leur demander des caisses à prêter afin que ces gens puissent s’asseoir dessus. (…) Ces caisses sont arrivées, je les ai disposées ici d’une manière finalement assez particulière, comme on disposerait, justement, une œuvre d’art. Et je me suis dit : ‘Mais au fond, le musée, c’est ceci’. Alors j’ai ajouté à ce décor des cartes postales reproduisant des œuvres du XIXe siècle, un peu par provocation, pour marquer ma distance avec les matériaux en plastique que j’utilisais déjà. Alors j’ai écrit le mot MUSEE sur mes fenêtres, le mot DEPARTEMENT DES AIGLES sur le mur du fond dans le jardin, et sur la porte d’entrée de ce jardin SECTION 19ème SIECLE. Le Musée était né, non pas à travers un concept, mais justement d’une circonstance. Le concept est venu après. »
« Musée d’art moderne –département des Aigles » de Marcel Broodthaers, du 18 avril au 5 juillet à la Monnaie de Paris.
Antoine Catala
Le paysage est luxuriant, planté d’arbres et de végétaux exotiques : une Arcadie verdoyante mais de synthèse, couleur fond d’incrustation vidéo plutôt que déjeuner sur l’herbe. Un panorama qui, ça et là, est ponctué d’étranges rochers recouverts d’un dessin rudimentaire, comme un émoticone tracé à main levée. En réalité, il s’agit là des pictogrammes utilisés par les sourds ou muets communiquer. La communication non verbale, voilà en effet le thème de prédilection d’Antoine Catala, né en 1975 à Toulouse, puis passé successivement par Berlin et New-York, où il vit et travaille actuellement. Lors de la Biennale de Lyon en 2013, on découvrait son œuvre Il était une fois…, un rébus composé de sculptures-vidéos, où chaque élément formait une lettre. Chamboulées par l’usage d’internet (et des émoticones, encore elles), les relations entre réel, image et langage évoluent, faisant dire à l’artiste : « Aujourd’hui, un mot, par le biais d’une recherche internet, permet de faire se manifester des millions d’images. Puis, par le truchement des imprimantes 3D, un mot permet d’accéder à des fichiers, qui à leur tour permettent d’imprimer des objets associés à ce mot. Ainsi, avec l’aide des machines, une nouvelles équivalence physique est établie : objet = image = mot ». Sur les 500m2 du troisième étage du Musée d’Art Contemporain de Lyon, son jardin synthétique réenchante le virtuel.
Jardin synthétique à l’isolement d’Antoine Catala, du 17 avril au 12 juillet au MAC Lyon
Eric Tabuchi
« Constitué de trois secteurs, “Source“ pour ce qui provient du Net, “Bridge“ pour les matériaux recyclés et “Works“ pour ce qui concerne ma production, Utopark est un chantier qui commence, le terrain d’une fermentation numérique ». C’est en ces termes cryptés qu’Eric Tabuchi a présenté son nouveau travail archéologique, une enquête désormais menée dans les vastes plaines du Net plutôt que sur les ruines de la périphérie urbaine comme c’était le cas depuis des années, depuis qu’Eric Tabuchi a mis entre parenthèse son passé de musicien au sein du groupe Luna Parker. « La neutralité, l’objectivité avec laquelle Eric Tabuchi prenait ses sujets, quand il les photographiait lui-même, n’est plus de mise », apprend-on ainsi dans le texte de présentation de l’expo :
« Longtemps, en effet, il a arpenté inlassablement les routes comme ses ainés américains parmi lesquels Lewis Baltz qu’il cite régulièrement. Avec une contrainte cependant : se limiter à un rayon de 250 km environ autour de Paris, entre quartiers pavillonnaires et zones industrielles. Il y a inventorié : des tas de toutes sortes, des usines, des petites ruines, des enseignes publicitaires… autant de curiosités ordinaires, signes de la coexistence de l’ailleurs avec l’ici. Désormais, cette pratique de l’errance, de la collecte, se déroule en basse résolution, Eric Tabuchi l’a simplement déplacée dans l’espace du web, ce lieu sans frontières, sans limites. Il classe et regroupe ensuite les images puisées, sous la forme de sites comme Atlas of Forms ou Utopark. »
Utopark d’Eric Tabuchi, du 17 avril au 13 juin aux Capucins Centre d’art contemporain à Embrun
Artie Vierkant
A seulement 24 ans, Artie Vierkant faisait paraître l’essai The Image Post-Internet, contribuant à théoriser, en même temps qu’il jetait les bases de sa propre pratique, le nouveau mouvement artistique en vogue dont tout le nom est à présent sur toutes les lèvres arty : le Post-internet. Cinq ans plus tard, l’euphorie des débuts, celle d’abstractions Photoshop acidulées imprimés sur dibond, se double d’un versant plus dense. Pour la nouvelle série Bodyscan Objects qu’il présente à la Galerie Edouard Manet, Artie Vierkant achète le droit à l’images d’individus afin de réaliser ensuite leur portrait de manière hyperréaliste, avec une prise de vue à 360°. Internet est une fête, mais aussi un piège : celui de la dépossession des corps qui guette au détour de la mise en scène permanente de soi.
Feature description d’Artie Vierkant, du 16 avril au 6 juin à la galerie Edouard Manet à Gennevilliers
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