Qui pouvait imaginer en mars dernier, au début du confinement, que le Covid-19 circulerait encore six mois plus tard en France et dans le monde entier ? Qui aurait cru alors que s’ajouterait à la perte sèche d’une demi-saison théâtrale, chorégraphique, circassienne et lyrique, l’incertitude complète quant à la reprise des spectacles en ce début de saison ? Personne.
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C’est pourtant la réalité à laquelle se confronte aujourd’hui le secteur du spectacle vivant. Les annonces successives du gouvernement, celles du Premier ministre, Jean Castex, et de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, ont tenté d’endiguer l’angoisse montant devant la progression exponentielle du virus, dessinant chaque jour sur la carte de l’Hexagone plus de départements en rouge où les restrictions s’accumulent.
Au moment où rouvrent les théâtres et où démarrent les festivals d’Automne à Paris et Actoral à Marseille, deux départements classés en zone rouge, l’attention portée à la culture par le gouvernement provoque des réactions en demi-teintes. Didier Fusillier, président de la Grande-Halle de La Villette, a testé cet été un autre rapport au public avec Plaines d’artistes, l’invitant à suivre les répétitions de spectacles signés François Chaignaud, Bartabas et autres.
“L’art et la culture participent de la cohésion sociale”
Constatant qu’aucun cluster n’a été constaté malgré une fréquentation optimale, il redoute aujourd’hui que le secteur public ne soit plus impacté que le privé. “La situation est compliquée car on avance dans l’inconnu. Je crois que le gouvernement a réagi très tôt, mais la question centrale est celle de la durée. A terme, je crains surtout le risque de repli sur soi provoqué par cette situation, ce qui est le contraire absolu de la culture. »
Pour Jean-Marie Hordé, directeur du Théâtre de la Bastille depuis trente-deux ans, un théâtre au statut unique, mi-privé, mi-subventionné, “si le gouvernement fait ce qu’il peut pour soutenir le secteur de la culture, conscient de l’importance de son volume d’emplois, je conteste les propos de Roselyne Bachelot nous engageant à nous réinventer. C’est ce qu’on fait depuis toujours. De même qu’il est faux de dire que le théâtre est déserté par les jeunes.”
Un sentiment mitigé partagé par José-Manuel Gonçalvès, directeur du Centquatre-Paris, estimant que les mesures sanitaires exigées pour le secteur culturel “sont contradictoires avec celles concernant la restauration ou les voyages en train et en avion. C’est plus qu’embêtant car, au-delà de l’économie, l’art et la culture participent de la cohésion sociale ».
La difficulté de travailler à l’international
Autre souci, et de taille, la difficulté de travailler à l’international. A la Maison de la Culture du Japon, aucun spectacle n’est programmé les prochaines semaines car « les artistes japonais qui viennent en tournée à Paris sont soumis à une quatorzaine à leur retour et ils ne peuvent pas se le permettre », nous explique Aya Soejima, consultante spectacle de la MCJP.
Quant à Arthur Nauzyciel, qui travaille depuis des années avec un scénographe et un créateur lumière américains, à trois semaines de la création de Mes frères, aucun des deux n’a pu franchir les frontières et arriver en France. Même Thomas Ostermeier, voisin d’outre-Rhin, nous disait, en riant, à la veille de la création de Qui a tué mon père : « Dans l’avion de Berlin à Paris, lisant les chiffres de contamination en France, je me suis demandé si c’était une bonne idée de venir ! » Aller contre la peur, tenir bon, résister : the show must go on !
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