[Luz rédacteur en chef] A la BPI de Beaubourg, une exposition rétrospective montre combien, entre Charlie Hebdo et Delacroix, Catherine Meurisse s’est plusieurs fois réinventée.
“Si je persiste, à mon âge, à faire du noir et blanc, c’est parce que Catherine, elle, peint en dessin les plus belles couleurs que je connaisse en bande dessinée. Alors on s’incline. Dans Vernon Subutex, je me suis laissé aller au bariolé, mais jamais je n’égalerai son élégance et sa désormais légendaire légèreté.” Luz
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A la fin de La Légèreté, son album post-attentats, Catherine Meurisse racontait, notamment, comment une visite au Louvre, un jour de fermeture, avait nourri sa quête de beauté. Pour elle qui a assidûment fréquenté les musées, avoir une rétrospective à la Bibliothèque publique d’information (BPI) de Beaubourg tient donc d’une forme d’accomplissement, d’autant qu’elle succède à André Franquin ou Claire Bretécher, dont l’expo “réchauffait de son génie l’année glaciale que fut 2015”, comme elle le dit dans le dossier de presse.
Catherine Meurisse n’a pas une carrière aussi longue que celle des aîné·es précité·es, mais son talent protéiforme lui vaut de faire bouger les lignes. Au début de l’année, elle a ainsi été élue à l’Académie des beaux-arts en section peinture – une première pour un·e artiste de bande dessinée.
Conçue pour le dernier Festival d’Angoulême et présentée en version augmentée, son exposition (La Vie en dessin) souligne de façon lumineuse combien Catherine Meurisse s’est construit un territoire propre, empruntant parfois des chemins de traverse pour mieux s’aérer et se reconstruire. Sur l’affiche, elle se représente en train de dessiner l’arbre sur lequel elle repose, symbolisant le rôle joué par la nature dans son éducation familiale. Ses racines graphiques, elle les met en avant dans la première salle, réservant de la place à son panthéon personnel avec des pièces de Bretécher, Topor ou Quentin Blake. Tout près, parmi ses travaux de jeunesse, on découvre son premier gag, quasi involontaire.
Son trait, désormais prêt à toutes les audaces, a besoin d’espace pour s’exprimer
Réalisé à l’adolescence, son dessin de chèvre dans un hamac pour le festival du Cabécou – le fromage – fut retoqué en raison d’une supposée ressemblance avec Ségolène Royal, alors élue régionale ! Un méli-mélo de ses couvertures pour Charlie Hebdo rappelle ensuite son métier de dessinatrice satirique, avant que sa passion pour les arts, les lettres et la peinture ne la rattrape et ne sauve sa santé mentale.
Plus loin, les originaux de sa BD Delacroix (Dargaud, 2019) montrent, avec leurs jets d’encres colorées, que son trait, désormais prêt à toutes les audaces, a besoin d’espace pour s’exprimer. Pour le trimestriel Zadig, elle s’est d’ailleurs de nouveau attaquée à l’actualité – le mouvement des Gilets jaunes, l’écologie –, mais cette fois-ci dans de grands formats réalisés au pinceau, à la fois drôles et poétiques, plus proches d’un Sempé que de la caricature jetée. Réalisée en octobre 2019 lors d’une résidence sur l’île d’Iki, une série de dessins fascinants voit Catherine Meurisse revisiter l’art japonais. S’il est possible de sortir de la BPI enivré·e par tant de beauté, enfermer dans un registre l’autrice de La Légèreté semble inconcevable tant elle s’est déjà démultipliée.
Catherine Meurisse – La Vie en dessin, Bibliothèque publique d’information, Centre Pompidou, Paris. Exposition temporairement fermée
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