Que disent les œuvres d’art contemporain ? Chaque lundi, “Les Inrocks” vous propose de découvrir une œuvre actuellement exposée ou repérée sur les réseaux. Cette semaine, focus sur la vidéo “Human Mask” de Pierre Huyghe, projetée actuellement à la fondation Vuitton dans l’exposition “Au diapason du monde”.
En 2008, une vidéo virale attire l’attention médiatique internationale. Dans un restaurant japonais, Fuku-Chan – un macaque – assure le service en salle. D’accord, l’homme n’a plus le monopole du service mais la portée de cette image dépasse l’anecdotique : le singe en question est affublé d’une robe de petite fille et d’un masque aux traits humains. Quel trouble installe-t-il ? Ce dispositif de travestissement relève-t-il d’un acte de cruauté ? Suscite-il au contraire l’empathie ?
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C’est cette vidéo qui a inspiré à l’artiste Pierre Huyghe son film Human Mask en 2014. Une entreprise pas vraiment surprenante de la part d’un artiste fasciné par la relations entre humain et non humain et connu pour introduire des éléments vivants – abeilles, chiens ou crustacés – dans l’espace de ses expositions.
Un monde sans humains
Dans une ville sans humains, affectée par la catastrophe nucléaire de Fukushima de 2011, l’artiste a filmé, partiellement avec un drone, ce même macaque star, Fuku-Chan, vêtu ici d’une robe et d’un masque inspiré du théâtre nô. Pendant un orage, solitaire, reclus dans son restaurant, il se tripote les cheveux, fouille dans la cuisine, s’assoit sur une table. Dans une atmosphère aqueuse, froide et onirique, le singe, doté d’une incroyable présence, contemple une forêt peinte sur un vieux papier peint. Tristesse, désolation, isolement… Quels sentiments – s’il en a –- animent cet animal prisonnier et domestiqué ? Pouvons-nous projeter des comportements humains sur Fuku-Chan ?
Human mask, c’est donc 19 minutes pour tenter de répondre à ces questions, 19 minutes pendant lesquelles, dans le silence, avec le son du clapotis de la pluie, du ronronnement du frigo, le spectateur est subjugué par cet être étrangement humain. Le geste de Pierre Huyghe n’aborde pas seulement des problématiques hautement politiques et contemporaines, il raconte aussi à travers cet animal quelque chose de la mélancolie et de la condition humaine. Impénétrable.
Au diapason du monde, jusqu’au 27 août 2018 – Fondation Louis Vuitton 8, avenue du Mahatma-Gandhi, Paris XVIe 10 € /14 €
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