Le chorégraphe Daniel Linehan frotte avec bonheur sa danse au chef-d’œuvre de Stravinski.
Que nous dit Le Sacre du printemps, œuvre monstre du XXe siècle dont une centaine d’interprétations chorégraphiques sont répertoriées ? Qu’il est toujours bon de simplement l’écouter pour en saisir les failles et les nuances. Daniel Linehan, Américain d’Europe, n’a pas eu peur de reprendre l’ouvrage d’Igor Stravinski, de le débarrasser de ses rituels. Ici, pas d’Elue sacrifiée, de terre foulée : les danseurs, tous issus de l’école P.A.R.T.S, digèrent la puissance des rythmes et recrachent à leur façon, juvénile, les figures imposées.
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Dans une version pour deux pianos servie par Jean-Luc Plouvier, de l’ensemble Ictus, et Alain Franco, au plus proche du public – des rangées qui se font face –, la danse est un courant électrique continu. Parfois, un soliste balaie du regard la salle ou se fige, la main dans un geste offert. Il semble alors jouer à ciseaux, papier, caillou, comme par défi. Puis le mouvement reprend, gorgé de sauts, de trios.
Linehan invente un dialogue à l’aide de tablettes numériques
Daniel Linehan aime jouer avec les mots : de pièce en pièce, il les invite sur le plateau. Dans Un Sacre du printemps, il invente un dialogue à l’aide de tablettes numériques : une battle verbale s’ensuit, jouissive dans sa déconstruction. Il ne s’agit pas tant de faire entendre le verbe que de le plier à une gymnastique des sons qui irrigue le corps. Ce Sacre en devient un puzzle musical et mental. On s’y perd dans une fuite en avant pour ensuite rattraper le cours des choses.
Enfin, le groupe – treize danseurs – expérimente en direct le partage du geste. Linehan exhale les parfums d’une individualité revendiquée qui déjà s’évapore au contact de l’autre, du groupe. D’ailleurs, ces diplômés de l’école créée par Anne Teresa De Keersmaeker à Bruxelles vivent cet ultime baroud d’honneur en temps réel avant de se disperser pour s’engager dans un parcours peut-être plus balisé. Au moment des saluts, comme ce soir-là dans le Théâtre du Soleil à la Cartoucherie de Vincennes, dans le cadre de June Events, on a cru deviner sur leur visage quelque chose comme la fin de l’innocence. Et dans leur respiration haletante, il y avait le souffle du printemps.
Un Sacre du printemps d’Igor Stravinski, chorégraphie Daniel Linehan, les 6 et 7 juillet au Festival de Marseille, festivaldemarseille.com
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