Revisitant Homère pour éclairer les destinées des réfugiés d’aujourd’hui, Christiane Jatahy signe un spectacle poétique et politique où le cinéma et le théâtre s’accordent magistralement.
En témoignant d’une empathie sans pareille pour documenter en images la vie de réfugiés rencontrés aux quatre coins de la planète, Christiane Jatahy bouleverse avec Le présent qui déborde – Notre Odyssée II, une pièce aux allures d’installation d’artiste où la représentation s’articule dans un dialogue fusionnel entre cinéma et théâtre.
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https://www.youtube.com/watch?v=8KYq24zs8e4
Trop-plein d’humanité
“Humain, trop humain”, la formule de Nietzsche s’impose à l’esprit tout au long du spectacle, car c’est bien le trop-plein d’humanité mis en lumière par la Brésilienne qui va transformer le regard que l’on porte sur ses interprètes et leur situation de migrants.
Refusant le politiquement correct de réduire ces existences à un calvaire de souffrances endurées, son spectacle s’ouvre dans les rires sur les images d’une fête improvisée en Palestine dans le camp de Jénine.
« En débutant par la Palestine, nous avons filmé des personnes déplacées à seulement quelques kilomètres de leur maison et des villes d’où elles ont été chassées, précise la metteure en scène. Au Liban, nous avons tourné avec des Syriens, en Grèce avec un comédien iranien et un auteur irakien, en Afrique du Sud avec des familles qui avaient fui le Malawi et le Zimbabwe. Tous aspirent à retrouver leurs proches et vivre en paix dans leur pays. »
Ne pouvant demeurer en reste face à tant de mises à nu, Christiane Jatahy se met en scène dans une séquence finale en Amazonie, où la défense de la cause des Indiens kayapos est l’occasion d’honorer la mémoire de son grand-père disparu sur leur territoire, lors du crash de son avion dans la forêt en 1952.
Mise en abyme bouleversante
Inspirée par la geste d’Homère et revisitant les épisodes du retour d’Ulysse chez les siens, Christiane Jatahy conçoit la trame de son odyssée filmée comme un fil-à-fil où les récits de la légende servent de prétexte aux confessions de ses acteurs-réfugiés. Chaque rencontre est l’opportunité d’un portrait sensible, où l’humour se fait politesse du désespoir dans le gag récurrent d’une série d’événements extérieurs qui interrompent systématiquement le tournage comme autant de coups du sort.
Se revendiquant de l’esthétique scénarisée d’une fiction de cinéma pour interpeller le réel au plus près de l’intime, ce puzzle de temps forts conserve la forme d’une compilation de rushes pour multiplier les manières de nous interpeller depuis l’écran.
Le pari du Présent qui déborde repose alors sur la mise en tension d’une projection sur grand écran et sa réception par le public pendant que les gradins se transforment en agora quand musiciens et acteurs se mêlent aux spectateurs pour intervenir en relais du film. Exaltant les possibles du jeu de miroirs entre ces deux temporalités, Christiane Jatahy crée les conditions d’une mise en abyme bouleversante pour transformer la représentation en un voyage vers l’autre résolument inoubliable.
Le présent qui déborde – Notre Odyssée II d’après Homère, mise en scène Christiane Jatahy, du 1er au 17 novembre, Odéon-Théâtre de l’Europe hors les murs au Centquatre, Paris
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