Devenu viral pour ses ongles-dioramas, le jeune New-Yorkais signe une première exposition qui dégenre les normes de la peinture et bouscule les règles.
Quel jeune peintre peut, à 24 ans, se prévaloir d’avoir collaboré avec Rosalía, Charli XCX, Björk ou Arca ? Si l’on ajoute que ce peintre-là, fraîchement diplômé de la Cooper Union à New York, n’avait jusqu’ici jamais exposé, le mystère s’épaissit. Sa toute première exposition, c’est Treize à Paris qui l’accueille, sur l’invitation de l’artiste Kévin Blinderman, qui signe ici son premier commissariat.
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A la plupart, pour ne pas dire à tous, le nom Juan Alvear ne dira pas grand-chose. Mais que l’on évoque Nails by Juan, et s’éveillera peut-être l’étincelle de la reconnaissance.
Dans un monde idéal, la peinture – et qui plus est une peinture érudite, consciente de l’histoire de son médium et des motifs qu’elle manipule – aurait tout à fait pu s’arroger les privilèges d’une fulgurante viralité. Dans le monde qui est le nôtre, ce cas de figure impose néanmoins quelques ruses et détours préalables.
L’une d’elles passe, dans le cas spécifique qui nous intéresse, par la création d’un “finsta” (pour “fake Instagram”). Soit un compte Instagram sous pseudo, le @nailsbyjuan en question, où Juan Alvear commence par poster les ongles qu’il peint ou pose sur les autres étudiants de l’école.
Ses près de 30 000 abonnés, il ne les doit pas à un artisanat qu’il revendique d’ailleurs approximatif. Plutôt à une exploration des standards normatifs de l’industrie de la beauté, qu’il étire jusqu’à cette zone grise où s’étreignent génie et malaise. Ses ongles sont d’impraticables mini-dioramas, des sculptures sinueuses et outrancières à peu près aussi discrètes qu’un clocher de cathédrale du gothique tardif, destinés à n’être portés que le temps d’une photo, d’une performance ou d’un clip.
A Treize, conscient que sa réputation le précède, il s’en sert comme d’un appât, et l’on entre ainsi dans l’exposition par les trois doigts en résine acrylique qui se dressent au centre de l’espace. Sur ces socles de l’artiste Anna Uddenberg, il est venu poser des dioramas végétaux argentés – les ongles. Aux murs, il présente neuf toiles récentes.
es unes rechargent la tradition du portrait : brossée à larges aplats, une figure en train de se maquiller rappelle la manière d’Ernst Kirchner, tandis qu’une scène en grisaille transpose le Guernica de Picasso à l’inoffensif tumulte d’une boîte de nuit. Les autres, les plus personnelles, déclinent de courtes phrases en arabesques traitées dans les tons maniéristes de prédilection de l’artiste – violets orageux, verts nucléaires, roses fluorescents.
Le style est fluide et rapide, le cerne précis et clinique. Si la planéité de la peinture sied de manière générale au format Instagram, le propos touche ici à l’affranchissement des standards de la peinture, dégenrée par la contre-culture de la cosmétique comme elle le fut au cours de son histoire par le graffiti dans les années 1980 ou le skate dans les années 1990. Au niveau du parti pris curatorial, c’est également l’élection d’une rigueur clinique dans l’accrochage qui dément l’idée que l’on ne comprendrait l’émergence qui bouillonne qu’en la montrant brouillonne.
Juan Alvear, Just the French Tip jusqu’au 8 février à Treize, Paris
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