De l’esthétique gothique au punk : plusieurs expos virent dark. Les aventures d’une (non) couleur.
Quatre expositions, au moins, nous conduisent, ce printemps, à nous intéresser à l’imaginaire d’une (non) couleur : le noir. D’abord, la très érudite expo du musée d’Orsay, L’Ange du bizarre. Sous-titrée « Le romantisme noir de Goya à Max Ernst », elle prend racine dans la littérature gothique anglaise de la fin du XVIIIe siècle si bien décrite par Annie Le Brun dans Les Châteaux de la subversion : « C’est soudain en pleine époque des Lumières, le précipice au milieu du salon. » Aussitôt traduite en peinture (chez Goya donc, mais aussi Géricault, Delacroix ou Füssli inspirés par Dante), cette esthétique ténébreuse refait surface au sortir de la Première Guerre mondiale chez les surréalistes, qui chantent les louanges de l’inconscient et de l’indiscipline tapie en chacun de nous.
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Sur un versant plus contemporain, outre l’expo Code noir au Frac Haute-Normandie, étrangement confiée à un bureau de tendances et de stratégies qui prédit dans les prochaines années un retour du « noir romantique », l’exposition Paint It Black, actuellement au Plateau/Frac Ile-de-France, montre des oeuvres ayant récemment rejoint les collections mais qui ont pour point commun d’être toutes en noir et blanc.
Loin du romantisme noir d’Orsay, on glisse vers une lecture de plus en plus conceptuelle du noir. A mi-chemin entre ces deux versants de l' »outrenoir » (mais bien loin des monochromes d’un Soulages inventeur du terme, actuellement exposé à la Villa Médicis), c’est avec les méchantes oeuvres du New-Yorkais Steven Parrino à la galerie Gagosian que s’achève ce voyage dans les contrées de la noirceur. Pris en sandwich entre la danse macabre d’un romantisme hanté et les raides consignes de l’art conceptuel, Parrino décline une palette pessimiste et vandale du No Future. Toiles froissées, panneaux laqués sauvagement éclatés réalisés en 2001, quatre ans avant sa mort dans un accident de moto… Autant dire que le noir est chez lui l’étendard d’une culture punk dont il contribua, dans les années 70, à étendre la caisse de « raisonnance ». « Quand j’ai commencé à peindre, déclarait-il, le mot d’ordre était : ‘la peinture est morte’. J’ai trouvé que c’était une place intéressante pour la peinture (…). La mort peut être rafraîchissante, je me suis donc engagé dans la nécrophilie… »
Claire Moulène
L’Ange du bizarre jusqu’au 9 juin au musée d’Orsay, Paris VIIe, www.musee-orsay.fr Paint It Black jusqu’au 12 mai au Plateau, Paris XIXe, www.fracidf-leplateau.com Steven Parrino jusqu’au 25 mai à la galerie Gagosian, Paris VIIIe, www.gagosian.com
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