Japan-ness retrace l’histoire de l’architecture japonaise depuis l’après-guerre. Une esthétique et un sens de l’espace singuliers, ouverts aux influences internationales.
Par son rapport contraint à l’insularité, sa tradition d’un habitat à hauteur d’homme, d’une esthétique du vide, sa façon d’indifférencier l’espace et le temps, l’extérieur et l’intérieur, sa capacité à se relever de la destruction (Hiroshima et Nagasaki en 1945, Kobe en 1995), l’architecture japonaise s’est imposée comme un foyer prolifique dans le monde.
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Si ses figures contemporaines – Toyo Ito, Tadao Ando, Shigeru Ban… – sont mondialement reconnues, savons-nous dans quelles filiations elles se situent et de quoi leurs succès procèdent ? En l’occurrence, d’une longue histoire qui remonte à l’après-guerre, riche de gestes puissants, et qui étrangement n’avait jamais été documentée.
Un panorama généalogique et généreux
C’est Frédéric Migayrou, conservateur en chef du département d’architecture du Centre Pompidou, qui vient combler ce vide avec sa magistrale exposition, Japan-ness, présentée au Centre Pompidou-Metz, qui inaugure une Saison japonaise jusqu’en mai 2018, avant l’exploration des arts plastiques et des arts vivants.
A la fois généalogique et généreuse, pédagogique et pointue, l’exposition vise à cartographier l’identité supposée d’une tradition constructive, que l’architecte Arata Isozaki résuma par la formule “japan-ness” (la “japonéité”). Or, suggère Frédéric Migayrou, en s’appuyant sur 65 maquettes,
150 dessins originaux et films présentant 300 projets emblématiques, cette identité japonaise n’a précisément jamais été fixe, mais au contraire poreuse, sans cesse ouverte aux cultures extérieures, en prise avec l’évolution des grands courants esthétiques (le modernisme, le brutalisme, le pop art, l’art conceptuel, le minimalisme, le high-tech, l’architecture pauvre, le postmodernisme…).
Le parcours se déploie sur six plates-formes temporelles
Depuis la reconstruction d’après-guerre jusqu’à l’affirmation d’une architecture japonaise dans les années 1950 et 1960 (Kenzo Tange, Junzo Sakakura…, influencés par Le Corbusier), du métabolisme et de l’expo universelle d’Osaka en 1970 à des recherches plus expérimentales dans les années 1970 (Kisho Kurokawa, Kiyonori Kikutake…), de l’architecture minimaliste entre 1975 et 1995 (Tadao Ando, féru du béton brut dialoguant avec la lumière) à l’architecture surexposée des années 2000 (Sou Fujimoto, l’agence SANAA…), le parcours se déploie sur six plates-formes temporelles.
Six périodes à la fois distinctes par leurs enjeux et reliées entre elles par cette fameuse “touche” nippone que rien de précis ne définit en-dehors de ce sentiment profond d’une sensibilité particulière aux règles de l’espace. Par ces mouvements permanents et ce refus renouvelé de se fixer dans un style homogène, “la japonéité s’organise comme une reconduction perpétuelle de sa possible identification”, explique Migayrou.
Outre qu’elle donne à voir des pièces rares, comme la maquette de l’église de la lumière de Tadao Ando, cette façon d’historiciser l’architecture japonaise a l’intelligence de rappeler que, même dans l’histoire de l’art et de la culture, une identité nationale n’est jamais que la somme de ses fractions historiques, elles-mêmes fracturées.
La richesse de l’argumentation, indexée à un corpus impressionnant de documents (que les Japonais eux-mêmes n’ont jamais collectés chez eux), fait de Japan-ness une pièce maîtresse dans l’approche, admirative et interrogative, d’un art architectural émouvant par la sophistication qui le traverse, sous toutes ses formes. Jean-Marie Durand
Japan-ness – Architecture et urbanisme au Japon depuis 1945 Jusqu’au 8 janvier 2018, Centre Pompidou-Metz
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