Le parcours réjouissant des grandes expos de la rentrée nous mène d’Istanbul à Lyon en passant par Séoul, Detroit, Metz ou Paris.
Une fois n’est pas coutume, c’est le long du Bosphore que débutera notre traversée des grandes expositions de cette rentrée. Sur un vaporetto qui rappelle celui pris au printemps sur la lagune vénitienne.
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Orchestrée par la visionnaire Carolyn Christov Bakargiev, qui avait déjà jeté un pavé dans la mare lors de la Documenta de Kassel 2012, la quatorzième édition de la Biennale d’Istanbul s’intéresse à l’eau salée, un élément vital et paradoxal : indispensable à l’homme, le chlorure de sodium est aussi l’ennemi de tous nos appareils électroniques.
Leçons d’histoire
A côté, la Biennale de Lyon aurait pu faire grise mine avec son titre baudelairien un peu trop “bath” : La Vie moderne. Sauf que, placée cette année sous le parrainage du très smart Ralph Rugoff de la Hayward Gallery, elle promet de relever le défi de ce teasing en forme de piège et de mesurer, pour reprendre les termes de son commissaire, “l’ombre portée du passé sur notre présent” avec une liste réjouissante d’artistes français (nombreux, de Giraud & Siboni à Kader Attia ou Camille Henrot en passant par Cyprien Gaillard dont c’est ici le grand retour avec une vidéo en 3D sidérante) et étrangers (d’Anthea Hamilton à Darren Bader).
On prendra ensuite un peu d’avance en se propulsant directement à la fin octobre où l’exposition Cosa mentale – Art et télépathie au XXe siècle de Pascal Rousseau au Centre Pompidou Metz nous ouvrira les portes de l’abstraction et d’un fantasme tenace, celui de l’œuvre d’art comme courroie de transmission sensorielle et spirituelle.
Surréalisme
Fort de ce don d’ubiquité, on entrera alors en contact avec quelques-uns des grands esprits du XXe siècle qui agiteront également la boule de cristal de cette rentrée : de Tzara (au musée d’Art moderne de Strasbourg), à Picasso (au Grand Palais et au musée Picasso) ou Warhol (à Metz et Paris) jusqu’à un autre révolutionnaire, venu cette fois de la culture populaire, Jean-Christophe Averty, metteur en pages génial de la télévision gaullienne et vulgarisateur érudit des textes surréalistes à qui le Confort Moderne consacre cet automne une monographie augmentée.
Une fois tissé ce grand damier, méthode rhizomique et tentaculaire que réactualisera, à l’aune d’internet, l’exposition Co-workers – Le réseau comme artiste organisée sous la direction du collectif new-yorkais DIS début octobre au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, on marquera enfin un temps d’arrêt (sur images) : au Centre Pompidou d’abord, où l’exposition personnelle de Dominique Gonzalez-Foerster, conçue comme une vaste timeline nous fera basculer d’un paysage désertique à une cuvette tropicale, de la fin du XIXe siècle au futur proche.
Expédition ésotérique
Une expérience du voyage, intérieur et physique, que prolongeront les city tours (à Séoul, Detroit ou Phnom Penh) organisés par le tour opérator Lille 3000 dans le cadre du cycle Renaissance.
Mais aussi l’expédition ésotérique conduite par un revenant, le toujours très inspiré Ugo Rondinone qui, après avoir magistralement radiographié les circonvolutions de son cerveau en 2007 au Palais de Tokyo, scanne cette fois, et au même endroit, les passions d’un autre grand poète du XXe et XXIe siècle qui est aussi son amant : John Giorno.
Dans les galeries parisiennes enfin, avant le coup de feu de la Fiac, mi-octobre (avec son prix Duchamp et son lot de surprises – la tenue par exemple d’une foire off organisée en secret par quelques galeries pointues mais recalées), on retiendra tout particulièrement les machines infernales de trois garçons dans le vent : Jean-Alain Corre dans le nouvel espace de Cortex Athletico, David Douard chez Crousel et Thomas Teurlai chez Loevenbruck qui sera également exposé dans le cadre de la sélection du prix Ricard conçue cette année par Marc-Olivier Wahler.
Grande braderie d’œuvres
Finalement, on liquidera tout à la Monnaie de Paris où Chiara Parisi a eu la bonne idée d’inviter Hans-Ulrich Obrist et Christian Boltanski à rejouer et amplifier une expo mythique des années 90 : Take Me (I’m Yours).
Soit une grande braderie où toutes les œuvres, de Gilbert & George à Hans-Peter Feldmann (déjà présents en 1995 à la Serpentine Gallery) mais aussi de Jeremy Deller, Andrea Fraser ou Wolfgang Tillmans (dans cette version upgradée) sont à emporter.
Compteurs à zéro pour cette rentrée art qui, de traversées en équipées sauvages (en terres inconnues, aux confins de l’expérience mentale, mais aussi philosophique ou sociologique), témoigne encore et toujours d’une insolente vitalité.
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