Proposé par le TJP – Centre Dramatique National Strasbourg – Grand Est, le festival des Giboulées explore les domaines de la marionnette contemporaine, du théâtre d’objet et d’autres champs d’expression voisins. L’édition 2022 déverse un dense programme dont émergent notamment “Pinocchio (live)#2” d’Alice Laloy et “Le Gonze de Lopiphile” de David Séchaud, deux créations très originales et stimulantes.
Directeur du TJP depuis 2012, le marionnettiste et metteur en scène Renaud Herbin – dont le mandat va s’achever fin 2022 – y développe un ambitieux projet artistique axé autour de la (sainte?) trinité Corps-Objet-Image. Organisé tous les deux ans, au mois de mars (d’où son joli nom), le festival Les Giboulées constitue le principal rendez-vous public de ce projet ouvert à des expérimentations scéniques très variées.
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Après avoir dû tristement annuler l’édition 2020 suite au fatal tsunami du Covid-19 et composer vaille que vaille avec la pandémie pendant deux ans, l’équipe du TJP rayonne d’enthousiasme à l’occasion d’une édition 2022 résolument placée sous le signe de l’embellie – la météo s’étant montrée au diapason durant la première moitié du festival, très ensoleillée.
Déployée sur une temporalité élargie, un peu plus de deux semaines, la programmation – presque torrentielle pendant les week-ends – amène le public à naviguer entre une dizaine de lieux de Strasbourg et de sa métropole, et parfois aussi dans l’espace public, la Petite Scène et la Grande Scène du TJP étant bien sûr les deux salles phares du festival.
Trouble féerie
De passage au cours du second week-end, l’on a démarré notre parcours en beauté avec Pinocchio(live)#2 d’Alice Laloy, nouvelle étape d’un travail de recherche au long cours autour de la figure de Pinocchio. Transportant le conte de Collodi dans un univers kafkaïen, à la lisière du fantastique, la pièce – d’abord allègre puis de plus en plus sombre jusqu’à un final possiblement libérateur – met en scène une ribambelle d’enfants qui se muent en pantins, tous identiques, transformés et manipulés par de jeunes adultes (hommes et femmes) en blouses grises. Parabole sur les rapports entre le vivant et l’inanimé, cette trouble féerie d’une audacieuse étrangeté se distingue en particulier par une composition sonore remarquable, produite en partie en live.
Dans un registre très différent, l’on a été également emballé par Le Gonze de Lopiphile, la nouvelle création de David Séchaud. Prenant appui sur Le Songe de Poliphile, illustre ouvrage allégorique de la Renaissance, le metteur en scène (dé)construit une méditation drolatique sur l’architecture et la notion de ruine au sein d’un dispositif scénique joyeusement chaotique. Portée par un comédien, une acrobate et un musicien, qui forment un trio à la fois improbable et impeccable, la pièce conjugue tout du long inventivité et liberté de ton pour un résultat jubilatoire – proche de précieux trublions contemporains tels que Grand Magasin, Philippe Quesne ou la 2B Company.
À côté des spectacles, le programme des Giboulées comprend aussi des Cosmodélies, formes éphémères, et des Précipités d’expériences, aperçus sur des travaux en cours de réalisation (à des stades divers d’avancement). L’on a ainsi pu approcher, entre autres, des projets menés actuellement par Rafi Martin – autour de la résonance avec la matière géologique – et par Emily Evans – autour du glissement de l’humanité à l’animalité. Au vu des esquisses présentées ici, les deux s’avèrent plus que prometteurs.
Les Giboulées, jusqu’au 19 mars à Strasbourg et alentour.
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