Pour sa 3ème édition, en cours depuis le 5 octobre, le Festival des Arts de Bordeaux prend le paradis comme principal axe thématique et propose de multiples réjouissances dans toute la métropole bordelaise.
Durant trois semaines, le Festival des Arts de Bordeaux (FAB, pour les intimes) mêle allègrement théâtre, danse, performance, nouveau cirque, musique et autres surprises en investissant des salles de spectacle autant que des sites plus inhabituels – par exemple l’impressionnante base sous-marine, immense forteresse de béton construite par les nazis. Résolument urbain et convivial, le festival déploie également volontiers son esprit ludique dans l’espace public. En témoigne fort joliment cette année son QG, installé près de la Garonne, dans le quartier St-Michel, et dominé par un authentique Magic Mirror (chapiteau de cirque en bois des années 1930). Accueillant de midi à minuit des animations diverses (concerts, DJ-sets, bal masqué, brocante, roller disco, soirée swing…), en accès libre, il a été baptisé Club Paradisio, en écho au principal fil rouge thématique de cette 3ème édition du FAB: le paradis – et plus précisément le paradis à reconquérir.
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Eden aquatique
A proximité immédiate du Club Paradisio, les collectifs 36 15 Dakota, Superfluides et les 3 Points de suspension ont ainsi fait jaillir pendant quelques jours une forme d’éden aquatique via Bains publics, installation participative proposant diverses joyeusetés humides et insolites. Par ailleurs, plusieurs des pièces programmées offrent également une représentation – ou une approche – possible du paradis. C’est le cas en particulier de Paradiso, nouvelle création de Richard Maxwell et dernière pièce de sa trilogie inspirée par La Divine comédie de Dante.
Sur un plateau épuré, trois êtres humains – surgissant d’une imposante voiture arrivée de nulle part – et un robot filiforme doué de parole se partagent un espace-temps indistinct, quelque part entre l’ici et l’au-delà. Faits de textes autant que de gestes, plusieurs récits, dont un évoque la mort de la mère de Maxwell, prennent forme au fil de scènes d’une flottante étrangeté. Semblant parfois un peu factice ou hermétique, cette variation à la fois froide et sensible sur la mort (et le devenir-mécanique de l’humain) ne convainc pas totalement mais témoigne néanmoins de la recherche stimulante d’un théâtre autre.
Une idée de l’enfer
Duo aventureux oscillant entre théâtre et musique, formé par Ruth Rosenthal et Xavier Klaine, Winter Family nous donne plutôt une idée de l’enfer sur terre avec H2-Hébron, pièce performative à la configuration originale. Seule en scène, au plus près des spectateurs, Ruth Rosenthal se déplace autour d’une table, sur laquelle se trouvent des maquettes de bâtiments et de rues, manipule les maquettes, use de divers autres objets et parle sans arrêt ou presque, jonglant entre de nombreuses voix différentes – voire antagonistes. Avec une fébrilité palpable, elle nous entraîne ainsi dans une sorte de visite guidée virtuelle et polyphonique à travers la ville palestinienne d’Hébron (H2 étant la zone administrée par Israël) et nous fait ressentir – au moins un peu – le chaos et la tension qui y règnent au quotidien.
Collectif canadien à géométrie variable, le Theater Junction envisage, quant à lui, l’impact des nouvelles technologies sur le monde d’aujourd’hui et de demain avec Supernova Trilogy, pièce conjuguant théâtre, performance, musique et vidéo. En résulte un grand fatras un peu high-tech et beaucoup trop long (trois heures) : faute d’une vraie ligne directrice et de partis pris scéniques forts, l’ensemble se délite assez vite et ne tient pas la distance, même si son côté bricolé-décalé lui confère un certain charme et si plusieurs scènes font mouche.
On doit au Cirque Inextremiste un autre exemple, nettement plus emballant, de spectacle bricolé-décalé avec Extrêmités. Ici, des bonbonnes de gaz orange et des grandes planches de bois suffisent aux trois interprètes – dont l’un en fauteuil roulant – pour créer un captivant récit en équilibre très instable. Réglées au millimètre, scènes (de plus en plus) acrobatiques et interludes drolatiques s’enchaînent, en étroite interaction avec le public – dans la meilleure tradition du cirque – et sans virtuosité gratuite. Tout au bord de la chute (c’est-à-dire aussi de la mort), le spectacle fait appel à des angoisses profondes et, mine de rien, exalte le sens de la solidarité : à plusieurs sur une planche vacillant au-dessus du vide, il vaut mieux faire attention les un(e)s aux autres.
Le Festival des Arts de Bordeaux se déroule jusqu’au 24 octobre.
Paradiso du 17 au 20 octobre au Théâtre Garonne (Toulouse)
H2-Hébron du 13 au 19 octobre au Théâtre Nanterre-Amandiers, du 8 au 10 novembre au festival TNB (Rennes), les 25 et 26 janvier 2019 au CDN d’Orléans et du 13 au 16 février 2019 à la MC93 de Bobigny.
Extrêmités le 1er février 2019 à Créon, le 2 février 2019 à Biscarosse, le 15 février 2019 à Herblay, du 7 au 9 mars 2019 à Rouen, les 12 et 14 mars 2019 à Amiens, les 23 et 24 avril 2019 à Sainte-Savine, le 28 mai 2019 à Cluny.
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