Visite dans un centre d’art pas comme les autres, implanté en province mais tourné vers la scène internationale. Défricheur et unique, le Consortium de Dijon reste un vrai laboratoire de recherches.
Le soir, lors des trois journées portes ouvertes, dans une ambiance familiale et amicale qui n’avait rien d’une pompeuse inauguration officielle (prévue pour le 15 septembre), il n’y avait autour du barbecue pratiquement que des artistes, dont l’immense Dan Graham ou cette diablesse de Sylvie Fleury.
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« J’ai fait l’une de mes premières expositions dans l’appartement de Xavier Douroux, raconte Bertrand Lavier. Comme je n’avais pas de lieu où tester les choses, j’ai montré chez lui une pièce importante pour moi, Brandt/ Haffner : c’est un réfrigérateur Brandt monté sur un coffre-fort Haffner. Nous étions là, avec Eric Colliard qui est mort aujourd’hui, et ensemble nous avons partagé un grand sentiment de consternation devant cette toute nouvelle oeuvre. C’était parfait. »
Evidemment, en trente ans, il y a quand même eu des revirements, des déceptions, des désamours, des séparations. Histoire peut-être de ne pas s’endormir, de ne pas perdre son tranchant et d’éviter les écueils de la longévité, le Consortium esquisse depuis le début des années 2000 un programme esthétique renouvelé qui rompt avec la radicalité conceptuelle des décennies précédentes, et ce au prix d’une réelle déconnexion avec la génération d’artistes apparue au milieu des années 2000. C’est pourtant dans ce moment plus flottant, plus flouté aussi, que s’ouvre la nouvelle aventure du Consortium : car rien ne dit que ce changement d’échelle, attendu et mérité, crée un véritable changement de paradigme ou d’économie.
Leur « nouveau goût » est axé plus que jamais sur la peinture, de celle qui ose des couleurs pimpantes ou figure des scènes baroques (les tableaux astronomiques de Verne Dawson ou les portraits de pin-up de Richard Phillips), au point de laisser dubitatifs les plus avant-gardistes. Plus proche du marché de l’art, revisitant les canons néoclassiques, le programme peut aussi se targuer de faire la part belle à ces artistes internationaux qu’on ne voit guère en France, ou si peu. Comme si le Consortium volait vers des latitudes plus anglo-saxonnes que frenchy et regardait d’un peu loin (d’un peu haut ?) le milieu de l’art hexagonal. De Rachel Feinstein à Collier Schorr ou Charline von Heyl, les exclusivités restent donc de mise.
Enfin, et sans le proclamer, le Consortium privilégie les artistes femmes (la fantastique Anglaise Rachel Harrison ou la jeune peintre Sylvie Auvray).
« Ce n’est pas un lieu de consécration, analyse l’artiste Bertrand Lavier, ça reste un laboratoire de recherches, la caisse enregistreuse du contemporain. On pourrait certes leur reprocher d’être un peu timides sur ce qui se passe ici, on peut ne pas comprendre la logique de leurs choix actuels, mais c’était tout aussi difficile quand ils nous exposaient, moi et d’autres, au début des années 80 ! »
Il y a quinze ans, quand on faisait déjà leur portrait, Xavier Douroux avait eu cette déclaration insolente et terrible : « Tout ce qu’on fait, c’est pour terroriser les cons. » Car peu dépendants vis-à-vis du politique et ne devant l’essentiel de cette aventure qu’à eux-mêmes, ils continuent encore à railler « la stupidité du pouvoir central » et le nombrilisme de la scène artistique parisienne. « Aujourd’hui, je ne le dirais plus comme ça, reprend Xavier Douroux. On travaille avec davantage d’associations, avec d’autres centres d’art, avec des entreprises. On a élargi l’activité, ouvert l’équipe et intégré deux nouvelles commissaires d’exposition, Stéphanie Moisdon et Anne Pontégnie. On entend souvent dire que le monde est à l’envers, alors nous on essaie de lui trouver un endroit, de le formaliser. Ce n’est pas un lieu, pas un site, c’est plus spectral et dans la réciprocité des échanges. On est des formalistes au fond, et depuis toujours. En art comme en politique. »
Jean-Max Colard
Le nouveau bâtiment du Consortium a ouvert ses portes sur l’ancien site de l’Usine, 37, rue de Longvic.
Exposition d’ouverture jusqu’au 14 août et du 1er septembre au 10 novembre, leconsortium.fr
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