Dans le cadre de Parcours Commun, la rentrée des théâtres à Lausanne met à l’honneur le travail de Philippe Saire avec une création théâtrale à L’Arsenic et une pièce chorégraphique au Théâtre Sévelin 36.
Chorégraphe et metteur en scène, Philippe Saire aborde le théâtre en démontrant une sensibilité au corps de ses interprètes qui fait des merveilles. Au sujet de la création de la pièce Orphelins (2009) du Britannique Dennis Kelly au théâtre de l’Arsenic, il précise : “Les comédiens et moi construisons une partition physique inspirée de ce que nous percevons du sous-texte, et nous la construisons indépendamment du texte. Quand cette partition est fixée, nous la tissons avec le texte. Le mouvement est ainsi toujours en lien avec la scène tout en instaurant un léger décalage qui vient comme un complément à la parole.“
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Jamais illustratif, le vocabulaire gestuel de la danse dialogue donc avec les échanges de répliques propres au théâtre. À la croisée des deux arts, l’objet artistique que Philippe Saire nous propose s’inscrit dans une réalité grandie par cette double lecture. Orphelins nourrit ainsi d’une rare sensualité les rapports d’amour entre les protagonistes d’une même famille, et ce sans atténuer la violence de la situation, laquelle questionne (à la manière d’un thriller) le racisme endémique de la société anglaise et la loi du talion. Ici, les personnages sont confrontés à un dilemme : la préservation des liens familiaux autorise-t-elle de s’affranchir du respect des règles de la justice sociale quand un crime est commis ?
Une tragédie contemporaine où l’auteur pousse son argumentaire à la limite du soutenable dans une construction qui s’apparente à une inexorable descente aux enfers. Adrien Barazzone, Valeria Bertolotto et Yann Philipona sont superbes, ils et elle nous entraînent dans ce huis clos destructeur avec une désarmante humanité qui brouille notre jugement et questionne notre capacité à les juger.
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Fête foraine
L’ambiance change avec Salle des Fêtes au Théâtre Sévelin 36, où la part belle est laissée à l’imaginaire de l’enfance : un duo chorégraphique y met en scène deux drôles de clowns danseurs (Neal Maxwell et David Zagari), et ce sans qu’aucune parole ne soit pas prononcée. Entièrement vêtus de blanc, ils portent des masques identiques en latex, qui leur font des crânes d’œuf, et nous donnent le sentiment d’avoir affaire à une paire de clones. L’inséparable duo évolue à l’intérieur d’un vaste cercle de chaises où sont installé·es les spectateur·rices. Quand la piste, qui occupe le centre de l’espace, s’élève dans les cintres, elle renverse les lois de la pesanteur en s’avérant être un filet rempli de ballons plus légers que l’air… De ceux, aux effigies colorées de héros des mangas et personnages de bande dessinée, qu’on ramène des soirées passées dans les fêtes foraines. La magie des chorégraphies et les jeux cruels que nos clowns engagent avec les ballons sont les prétextes à une rêverie qui se teinte inévitablement d’une tendre nostalgie. Un petit bijou d’humour et de délicatesse.
Orphelins de Dennis Kelly, mise en scène Philippe Saire, jusqu’au 3 octobre à L’Arsenic, Lausanne (Suisse).
Du 20 au 24 octobre à La Comédie de Genève, Genève (Suisse).
Salle des Fêtes conception et chorégraphie Philippe Saire. Du 23 au 26 novembre, Centre Culturel Suisse, Paris.
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