Pour sa première mise en scène, la comédienne s’entoure d’une troupe d’exception pour donner corps à des récits puisés dans son livre S’aimer quand même.
Sur une bande-son fantomatique où leurs voix reprennent les textes en écho à ce qui se dit sur le plateau, quatre filles vêtues de noir se livrent à l’étrange exercice de revisiter sur scène des récits tirés de S’aimer quand même, le dernier livre d’Isild Le Besco (lire Les Inrockuptibles n° 1163). Devenu un spectacle titré 70 heures pour s’aimer quand même, ce cérémonial intime réunit l’auteure, les actrices Lolita Chammah, Elodie Bouchez, Tran Nu Yên-Khê et la danseuse Nina Dipla.
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A quinze jours de la première, on les retrouve dans le studio Diaghilev de la Ménagerie de Verre pour une séance de travail qui commence par un des textes au programme, intitulé Liseuse de cœurs. En charge de la parole, c’est Lolita Chammah qui relaie les propos du personnage, micro en main.
Une histoire de lectures
On assiste à l’étrange confession d’une femme plongée dans le coma suite aux coups portés par son amant. Comme autant d’éclats de sa conscience brisée, ses partenaires accompagnent son jeu. Une chorégraphie qui nous donne une vision diffractée de la jeune héroïne, la déclinaison charnelle des chemins possibles qui vont permettre à cette âme en souffrance de faire le choix de revenir à la vie.
L’histoire du projet commence par deux simples lectures : lors des avant-premières de son dernier film, La Belle Occasion, Isild Le Besco propose à Lolita Chammah de dire Liseuse de cœurs avant la projection. “J’étais à la recherche de textes à interpréter, plus précisément des monologues, précise l’actrice. Quand Isild m’a donné son livre, ça m’a intéressée. Ces récits m’ont parlé car j’avais le sentiment que j’aurais pu les écrire moi-même. Des mots intimes, différents de ce que je joue au théâtre habituellement.”
Isild enchaîne : “Lors de cette lecture, j’ai senti chez Lolita une intensité, une force, une profondeur, une audace et une fragilité qui nous ont donné envie de faire une suite à cette expérience en l’ouvrant à d’autres passages du livre et à d’autres interprètes.”
La fuite de Marilyn Monroe en Inde
En charge de la direction artistique du projet aux côtés d’Isild, l’actrice Tran Nu Yên-Khê a proposé de dépasser l’idée minimaliste de la lecture, pour en faire une performance s’articulant sur le texte avec le son et la danse. “Toutes ces nouvelles parlent au féminin de thèmes très actuels, et le travail de composition sonore donne un cadre à cette modernité. Ça nous donne sur scène une liberté de jeu où le son résonne comme une série de voix intérieures. Une mise en abyme de l’intime que le spectateur peut s’approprier.”
Lieu dédié à la performance et à la danse, la Ménagerie de Verre n’est pas un théâtre au sens traditionnel. Isild Le Besco s’en réjouit : “Pour la création de cet objet que je voulais concevoir comme un jaillissement de portraits intimes, la singularité de cet espace nous offre une liberté qu’on aurait difficilement pu trouver ailleurs.”
C’est ainsi qu’au-delà de Liseuse de cœurs on pourra découvrir Elodie Bouchez prenant en charge Mon nom est Marilyn Monroe, qui imagine la fuite de la star en Inde, souffrant de réaliser que “le monde entier (l)’adule, mais (qu’)il n’y a pas une personne au monde pour (l)’aimer en vrai”.
“Extase, étrangeté, hypnose”
Mortel show chinois revient à Tran Nu Yên-Khê, l’histoire d’une journaliste qui interviewe chaque jour des prisonniers condamnés à mort et fait des records d’audience. Avec Sagesse indienne, Isild Le Besco témoigne de l’insoutenable violence vécue par une adolescente indienne agressée dans la rue par une bande de garçons qui lui jettent de l’acide au visage et sur le corps.
Chaque situation dramatique place ces femmes dans une position de résistance. Se référant à Eloge de l’ombre de l’auteur japonais Junichirô Tanizaki, Isild Le Besco entend révéler ces violences dans une forme apaisée, celle d’un au-delà qu’elle résume en trois mots : “Extase, étrangeté, hypnose.” Pour faire le lien entre ces différents moments, elle inclut des textes inédits en nous avouant qu’ils feront peut-être partie de son prochain livre. Une affaire à suivre…
70 heures pour s’aimer quand même Un projet d’Isild Le Besco, avec elle-même, Elodie Bouchez, Lolita Chammah, Nina Dipla et Tran Nu Yên-Khê, du 3 au 5 avril, festival Etrange Cargo, Ménagerie de Verre, Paris XIe ; le 27 mai à La Criée (Marseille)
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