Lafayette Anticipations présente l’exposition collective Le centre ne peut tenir. Une manifestation inconsistante, comme dépassée par le bâtiment conçu par Rem Koolhaas.
Après quatre années d’événements préfigurant son ouverture, la Fondation d’entreprise Galeries Lafayette investissait en mars dernier son vaisseau de verre, de bois et de fer. Pensé comme une “machine à exposer”, le bâtiment griffé Rem Koolhaas reconduit en plein cœur du Marais quelque chose du “coup” architectural que fut l’érection d’un autre laboratoire culturel : le Centre Pompidou. Autant que les réseaux de tuyauteries de l’un, le plateau central mobile de l’autre traduit par un geste formel une conception de l’exposition que ne peuvent ignorer ses usages ultérieurs.
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Dans le cas de Lafayette Anticipations, quel est ce geste ? Jusqu’alors, la question s’était bien évidemment posée, sans que les propositions inaugurales n’offrent cependant de points d’attaque pour y répondre. Ni le geste digne d’un Bartleby des temps modernes de Lutz Bacher (un plan vidéo et un sol en paillettes), ni la performance autrement plus incarnée de Tarik Kiswanson (mais jouant sur l’immatériel, l’humain et la parole) ne permettaient de prendre la mesure de ce qu’y serait vraiment cet arrangement d’objets que l’on nomme exposition.
Des œuvres toutes produites par Lafayette Anticipations
Le centre ne peut tenir confirme ces soupçons : à Lafayette Anticipations, ça ne tient pas très bien. D’abord parce que le geste architectural est signé et laisse peu de place à l’installation des œuvres. Mais venons-en à l’exposition en elle-même. Confiée à l’aréopage maison, composé de son directeur, François Quintin, et des trois curateurs associés – Charles Aubin, Anna Colin et Hicham Khalidi –, la proposition rassemble les œuvres de onze artistes ou collectifs d’artistes.
Surtout, celles-ci ont toutes été produites par Lafayette Anticipations. La Fondation mène en effet une mission d’importance : accompagner les jeunes artistes dans la production d’œuvres ambitieuses, c’est-à-dire coûteuses en argent et en temps. De fait, l’exposition rassemble des films et des vidéos (Lucy Beech), matérialise des processus de recherche (Cooking Sections, Danielle Dean), des situations de production (Eve Chabanon, Paul Maheke), prolonge des œuvres inscrites dans le temps long (Rana Hamadeh), ou inscrit dans la monumentalité des formes jusqu’alors plus précaires (Julien Creuzet, Jumana Manna).
Quelque chose vit hors des murs de l’espace
Chacune des œuvres plonge ses racines dans un processus collaboratif qui déborde l’intérêt purement matériel de ce qui est là au 9, rue du Plâtre. On le sent, quelque chose vit hors des murs de l’espace ; et ce ne sont pas les vagues généralités sur la déconstruction des binarismes identitaires et des frontières qui suffiront à faire tenir les œuvres entre elles.
Le point d’achoppement de l’exposition est aussi son intérêt – accidentel certes, mais néanmoins symptomatique. En 2012 déjà, à Kassel, dOCUMENTA (13) avançait l’hypothèse d’une “obsolescence de l’exposition”. Beaucoup d’éléments, dans l’organisation même des processus de travail de la Fondation, témoignent également d’une volonté de repenser les modèles hérités, depuis son collège curatorial recruté pour trois ans jusqu’à sa volonté de décloisonner l’art, la mode et le design ou de faire de la performance une exposition en soi. Reste à rendre cette mécanique interne visible dans des formes de monstration autodéfinies – et pas uniquement par ce plateau qui monte et qui descend.
Le centre ne peut tenir Jusqu’au 9 septembre à Lafayette Anticipations – Fondation d’entreprise Galeries Lafayette, Paris IVe
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