“Go Go Othello” de Ntando Cele, c’est de la gouaille, du talent et une réflexion qui surfe sur les sujets qui fâchent pour mieux dégoupiller les préjugés.
“Je pense que je devrais pouvoir parler de tout sur scène, je ne devrais pas être confinée à des rôles et des spectacles qui ne parlent que de race, de préjugés et de la souffrance des noirs”, revendique Ntando Cele au beau milieu de son show, mi-stand up, mi-cabaret et totalement performatif, joué au milieu d’un public attablé en cercle autour de la scène. Mais les choses étant ce qu’elles sont et non ce qu’elles devraient être, c’est bien sûr l’inverse qui se produit.
En prenant comme point d’ancrage Othello, le personnage de Shakespeare, un modèle dans le genre anti-héros accumulant tous les défauts, Ntando Cele remonte le temps et donne à voir et à entendre quelques figures marquantes parmi les artistes afro-américain·es du XXe siècle sous la forme d’extraits vidéo : de Leontyne Price en 1950 à Joséphine Baker et de Nina Simone à la rappeuse Cardi B en 2020. Sans oublier l’actrice Tiffany Haddish, également stand-upeuse et le comédien James Earl Jones, célèbre pour son interprétation d’Othello qu’il joua devant le couple Obama en 2009 à Washington.
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Réinventer les règles du jeu
L’esprit de sérieux, qui lui fait endosser le costume de la conférencière pour nous parler d’Othello, se mixe chez Ntando Cele à un goût irrésistible pour les paillettes, les trucs en plumes et autres accessoires du cabaret. L’éloge de la contradiction donne toute sa saveur à ce plaidoyer pour une expression artistique dénuée de préjugés qui collent si mal avec une époque où le repli, la haine et le racisme se portent si bien.
Archi-lucide, Ntando Cele n’hésite pas à faire part au public de ses commentaires sans équivoque sur sa situation et la nôtre. “Ce n’est pas de votre faute si vous n’imaginez pas de médecin ou d’astronaute noir. Omar Sy ne joue que des stéréotypes noirs.” Et tance également l’incapacité à faire jouer Othello par un chanteur noir à l’Opéra de Paris en 2019, faisant référence sans la nommer à la mise en scène d’Andrei Șerban où Roberto Alagna interprétait le rôle-titre.
L’humour toujours à portée de main, Ntando Cele, accompagnée sur scène par le musicien Simon Ho, évoque ses choix de vie, son installation en Suisse, sa “conscience de faire de l’art pour un public privilégié, noir ou blanc” et s’interroge en franchise sur ce que pourrait être un public noir idéal. La réponse rejoint sûrement son désir de pouvoir parler de tout sur scène, sans se sentir obligée de défendre une position minorée, voire déniée depuis si longtemps. Rebattre les cartes d’un jeu où la couleur ne vaudrait pas discrimination revient sans doute à réinventer les règles dudit jeu.
Go Go Othello, performance de Ntando Cele, à Dansfabrik Nomade, festival de Brest, le 28 février et le 1er mars.
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