Créé au festival Ecritures partagées à la Comédie de Caen, ce spectacle hybride rend hommage à trois films cultes du réalisateur allemand.
Bienvenue au grand cabaret Fassbinder : ici les acrobates, les créatures de rêve et les bêtes de foire virevoltent, et les bourgeois aiment à s’encanailler. En alignant à la suite trois grands scenarios de Rainer Werner Fassbinder, Le Droit du plus fort, Maman Kusters s’en va au ciel et Tous les autres s’appellent Ali, Pierre Maillet montre toute la cohérence de l’œuvre du cinéaste, ses obsessions et ses récurrences et souligne, si cela était encore nécessaire, la prépondérance et la nécessité du théâtre au cœur de celle-ci.
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Dans Le Droit du plus fort, Franz, le prolo amoureux d’Eugen le bourgeois, se fait dépouiller par ce dernier. Dans Maman Kusters, une veuve abandonnée de tous, voulant réhabiliter son assassin de mari, se laisse embringuer par les communistes puis par un groupe d’anarchistes au service de leurs idéologies. Il y a aussi le jeune immigré de Tous les autres s’appellent Ali qui épouse Emmi, son aînée d’au moins trois décennies.
Chez Rainer Werner Fassbinder, les figures centrales sont objets d’opprobre et de rejet par la soi-disant bonne société, qui s’en joue et finit par les dépecer. Le mélodramatique, dont le cinéaste était friand, lui qui s’est notamment inspiré de Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk pour Ali, tient une part conséquente dans le projet ambitieux mais bien ficelé de Pierre Maillet.
Le spectacle est une invitation à explorer les recoins les plus subtils de l’œuvre de Fassbinder
Bien plus qu’un collage de textes et de situations, le metteur en scène construit un montage dramaturgique donnant tout son sens à cette trilogie de textes écrits simultanément entre 1973 et 1975. Et plus encore que ce qui pourrait sembler n’être qu’un vibrant hommage, le spectacle est une invitation à explorer les recoins les plus subtils de l’œuvre de Fassbinder.
Notamment par les liens existant entre les trois textes, les personnages que l’on retrouve d’un scénario à l’autre ou les situations qui, n’étant pas identiques, disent toutes pourtant la cruauté d’une société s’abreuvant du sang des plus démunis. S’il dit sans détour la portée politique de l’œuvre de Fassbinder, le théâtre de Pierre Maillet suggère plutôt qu’il n’édicte, et surtout ne se départ pas d’un humour constant et éclairant.
Fugue mélodramatique et christique
Costumes, perruques, postiches, grands rideaux, musiciens… Pierre Maillet assume et porte haut une certaine idée de la théâtralité. La jeunesse, la vitalité et la justesse de son équipe d’acteurs et d’actrices n’ont d’égales que la maîtrise, la profondeur et la folie du jeu de Marilu Marini, toujours plus exceptionnelle, qui jette un pont de sens et d’émotions entre Maman Kusters et la Emmi d’Ali.
Dans Le Bonheur (n’est pas toujours drôle), fugue mélodramatique et christique, le dialogue Maillet/Fassbinder est symbiotique et l’épiphanie joyeuse, car si le bonheur n’est pas toujours drôle, le pire n’est pas toujours sûr.
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