Figure du mouvement Fluxus dans les années 1960, Ben n’a cessé de questionner la nature et la fonction de l’art dans la société.
Peu d’artistes ont, autant que Ben, né Benjamin Vautier, bénéficié d’une (re)connaissance populaire en France, pays où les artistes plasticiens échappent le plus souvent aux radars médiatiques. Avec malice, Ben joua de sa notoriété en assumant gaiement de signer de son nom des T-shirts, assiettes et parapluies, trousses, cahiers d’écolier et autres briquets.
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Qu’est-ce que l’art ?
Plus qu’un artiste, il fut une sorte de marque à lui tout seul, qui occulta, à tort, la partie la plus féconde de son œuvre, inaugurée au début des années 1960. À un moment où, aux côtés d’Yves Klein et du Nouveau Réalisme, mais aussi d’Arman, de César et de Martial Raysse, qui forment l’école de Nice, sa ville d’adoption, il se lance dans le jeu de l’appropriation, consistant à décréter le monde et ses objets comme autant d’œuvres d’art en soi.
Qu’est-ce que l’art ? : ce fut la grande question qu’il ne cessa de poser toute sa vie, entre provocation et conviction structurée au fond de lui, dans une frénésie compulsive qui le conduit dès ses débuts à signer tout ce qu’il avait sous la main. Ce geste artistique procède alors d’une réflexion sur la faillite introduite par Marcel Duchamp dans le système des beaux-arts, qui pose l’effacement de la valeur du beau et renonce aux jugements de goût et à la notion de savoir-faire.
Pour lui, au fond, tout était Art. En héritier direct de Duchamp passé du côté du mouvement Fluxus, attaché aussi au mouvement lettriste lancé par Isidore Isou au début des années 1950. “Je suis un incorrigible ‘bav’art’”, écrivait-il en référence au Traité de bave et d’éternité d’Isidore Isou, pour signifier combien il abusait de son verbe pour éclairer les mystères de son œuvre, aussi conceptuelle que potache, articulée que fantaisiste.
Provoquer pour questionner
Durant toutes les années 1960, sa pratique artistique se résuma à de nombreuses provocations : vomir, hurler, faire un trou dans le mur, fouiller les gens, balayer un espace public, occuper seul pendant quinze jours la vitrine de la Gallery One à Londres, ne pas parler, manger un œuf dur à 12 h 32, se promener nu, avec un os autour du cou, se mettre en scène en train de manger du boudin qu’il déteste… Cette démarche artistique préfigurait les gestes dominants de l’art conceptuel des années 1970, de Bruce Nauman à Gina Pane, de Gianni Motti à Sophie Calle.
Ben fut avant tout un agitateur, s’épuisant à questionner l’art, à en rire surtout. Moraliste à sa façon, figure paradoxale du monde de l’art, qu’il incarnait en même temps qu’il le défiait, il fut un visage et une voix de l’esprit Fluxus en France. Depuis sa première rétrospective au musée d’Art contemporain de Marseille en 1995, ses œuvres sont présentes dans les plus grandes collections privées et publiques du monde.
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