L’acteur Lars Eidinger signe une performance délicieusement queer pour revisiter les aventures de Peer Gynt dans une installation artistique mêlant cabaret et pop culture.
Dès l’entrée du public, Lars Eidinger est à la table de maquillage, occupé à se glisser dans la peau de Peer Gynt qu’il approche à la manière d’une furieuse chimère. Ne portant qu’un slip et des jambes de jogging accrochées à un porte-jarretelles écarlate, il se compose un visage à l’effigie du Joker tandis qu’une perruque blonde bouclée lui donne la silhouette de Roger Daltrey dans Tommy, l’opéra rock des Who.
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Immergeant d’emblée l’antihéros d’Henrik Ibsen (1828-1906) dans la pop culture, celui qui incarnait avec génie la punkitude d’un Richard III d’anthologie sous la direction de Thomas Ostermeier s’est associé cette fois-ci à l’artiste allemand John Bock pour imaginer à quatre mains un solo transportant l’épopée de Peer Gynt dans un paysage de fantaisie qui renvoie à l’art contemporain.
Masculin en jardin et féminin en cour
Prolongée d’un podium, la scène autorise des digressions au plus près des spectateur·rices, tandis qu’un capharnaüm d’œuvres d’art envahit le plateau jusqu’à le rendre presque impraticable. L’installation évoque les représentations du genre.
A jardin, la masculinité, quand les rouages d’une grande machine rouillée digne de Jean Tinguely supportent l’écran vert d’un studio dédié aux trucages numériques. A cour, les bras métalliques d’un appareil à traire les vaches annoncent l’éloge d’un féminin passant par le cousu main d’une immense mappemonde de tissus multicolores évoquant une pièce d’Annette Messager.
Ce drôle de terrain de jeux fait écho aux tribulations de la créature d’Ibsen qui multiplie les frasques et s’en tire toujours, parcourant la planète des montagnes de Norvège aux déserts d’Egypte. En rappel des fêtes villageoises, où Peer Gynt se révèle un coureur de jupons impénitent, Lars Eidinger s’amuse des possibilités de la vidéo en live pour taper l’incruste dans un porno lesbien.
De son mariage avec la progéniture du roi des trolls aux enseignements du Grand Courbe, les divers épisodes de la saga s’enchaînent dans un tourbillon de fantasmes.
Le showman transformiste émaille sa prestation d’impros dans la tradition du stand-up
Stand-up et voguing en chantant Abba
Le voyage initiatique de l’incorrigible mauvais garçon devient prétexte à une collection de numéros de cabaret. Sans jamais perdre le fil du récit, le showman transformiste émaille sa prestation d’impros dans la tradition du stand-up, de clins d’œil aux défilés du voguing et du fun régressif d’un tour de chant nous gratifiant des standards du groupe Abba.
Même pas sûr qu’Henrik Ibsen se retourne dans sa tombe tant Lars Eidinger témoigne pour son modèle d’une sincère empathie qui flirte avec l’identification. La réussite insolente d’un hallucinant pétage de plombs, où la figure sensuelle de Peer Gynt s’éclaire d’une rage inédite en se conjuguant au présent.
Peer Gynt d’après Henrik Ibsen, mise en scène John Bock et Lars Eidinger avec Lars Eidinger, en anglais et en allemand surtitré en français. Schaubühne de Berlin et en tournée en France – dates à préciser
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