Suite et fin du compte rendu sur le festival Souar Souar à N’Djaména, dirigé par le chorégraphe Taïgue Ahmed. Par Jacques Blanc, ex-directeur artistique du Quartz de Brest,
Festival Souar Souar. Suite et fin ! Après le deuil national pour la mort de Mandela, les drapeaux en berne et l’interdiction officielle de la musique ou de la danse, le festival redémarre. Les danses villageoises auront été très à l’honneur dans cette édition et, ce soir encore sur l’aire de sable, c’est un groupe d’hommes de danse gabri, région du sud du Tchad. Ils sont parés de plumes d’oiseau et d’éléments métalliques sonores à la taille, passés sur des maillots blancs (dits “marcel”), serrés épaule contre épaule et dansent accroupis ou très courbés vers le sol et marquent le rythme chacun avec des sifflets à bouches de tonalités différentes.
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Sur la scène, première apparition pour moi d’un butô africain. Trois danseurs au torse couvert de cendre, les yeux rouges, se déplacent lentement avec une bouteille d’eau en plastique sur la tête. Cette danse de mort à l’africaine, inspirée de la danse de mort dite post-Hiroshima, s’oriente peu à peu vers un discours facile sur les horreurs du monde. Le titre déjà : 5 000, pour “5 000 enfants meurent chaque jour”. Dommage ! Elle aurait pu plonger dans le vaudou, aller vers les zombies et la nuit des morts vivants, comme métaphore, explorer la présence des ancêtres et le lien à la mort… Ils n’en étaient pas loin, ils ont raté la marche de peu…
La chorégraphie est de Tonia Schilling qui, grâce à la coopération suisse au Tchad, a bénéficié d’une résidence de création. Lorsque les trois zombies sont descendus du plateau au milieu des spectateurs, les enfants terrorisés se sont enfuis en hurlant de peur. Ici, les effets de la représentation, c’est du direct et de l’immédiat. La formation du spectateur, ça roule !
Après la mort, l’amour : Hyacinthe Tobio présente une proposition répétée en deux jours. Une dizaine de jeunes femmes alignées contre le mur de fond de scène, une chanteuse qui hurle sa colère de femme opprimée, puis les femmes qui se débattent dans un filet translucide qui dessine les corps. Voir ce qu’il adviendra de ce très rapide work in progress, Hyacinthe et son regard sur les femmes !
Enfin et encore les acrobates, dans tous les quartiers les ateliers d’acrobates connaissent un succès fou. Je les ai vus tous les soirs dans ce festival, entourés d’un public en liesse. Ce même Hyacinthe est au cœur des discussions, car il devrait prendre la direction du prochain festival, selon le principe d’ une direction tournante. Ce qui ne va pas sans interrogation sur sa capacité à gérer l’outil et à le tenir en main. Le talent de chorégraphe de Hyacinthe est reconnu, il fait partie des plus intéressants artistes du Tchad, cela fait l’unanimité. On aimerait que Taïgue et lui trouvent une solution, le festival est fragile, il pourrait très vite disparaître.
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