Directeur artistique indépendant après avoir longtemps dirigé le Quartz de Brest, Jacques Blanc est notre envoyé spécial au festival Souar Souar dirigé par le chorégraphe Taïgue Ahmed à N’Djaména.
Samedi 7 décembre Quand on parle des camps de réfugiés, on a les images de ces toiles de tente sous lesquelles s’entassent des centaines de milliers de personnes. Les groupes de danse formés par Taïgue depuis 2006 vivent maintenant dans des villages créés et organisés par le gouvernement tchadien et l’ONU. Par la politique dite d’intégration, on leur a attribué des terres qu’ils cultivent. Personne ne sait rien d’un hypothétique retour dans leur pays en état de guerre permanent. Ces déracinés pourront-ils jamais reprendre racine ? Ici, au Festival, ces jeunes gens sont devenus des virtuoses de ces danses africaines dites de “transes” avec un bonheur apparent. Mais qu’en savons nous ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Samedi matin, tous les artistes et responsables culturels sont invités par Taïgue à une table ronde. Que rajouter au constat du vide effrayant des aides de l’Etat tchadien et de la moindre politique ? Une catastrophe. Pour tous, la préoccupation première est la survie et les invitations en Europe sont leur plus grand espoir. Dans ce pays de langue française, l’Institut français du Tchad est un fragile canot de sauvetage où se raccrochent quelques rescapés. Encore faudrait-il que la France n’abandonne pas peu à peu sa politique culturelle à l’étranger. Dans ce paysage, le festival Souar Souar avec son budget de misère est un miracle. Mais pas un seul programmateur européen n’est venu cette année.
Les Tchado Stars font figure eux aussi de miraculés ou de privilégiés dans ce marasme, alors que tout est rude dans ce qu’ils entreprennent. Ils sont partis ce matin pour une tournée d’une dizaine de jours au Tchad organisée par l’opérateur téléphonique Tigo. Une chance unique. Première étape, 800 kilomètres de route non sécurisée dans la journée, et le soir pas d’hôtel, ils dormiront dehors, comme chaque jour ou presque tout au long de cette tournée, émaillée d’animations publicitaires pour leur sponsor. Si, physiquement, l’épreuve est limite, au moins ceux-là depuis un an gagnent-ils de quoi vivre.
Ce samedi 7 et dimanche 8 décembre viennent d’être décrétés journée nationale de deuil pour Mandela. Pas question de danser ou de faire de la musique. Le festival propose alors d’imaginer une soirée pour Madiba plutôt que de fermer boutique. C’est le slameur Croquemort, un jeune médecin en formation, considéré comme l’un des poètes les plus intéressants du Tchad, qui s’y collera avec une nuée d’ enfants surexcités.
Puis, traversée de N’Djaména dans les embouteillages de voitures et de la myriades de motos, notamment celles des motos-taxis qu’on appelle dorénavant les “clandos” depuis que le régime les a décrétées illégales. Sur le rond-point des Aigles a été aménagée une plate-forme haut perchée qui domine ce carrefour avec vue panoramique sur les plus importantes avenues de la capitale. Là, quatre personnages en tenue traditionnelle et turban blancs assis dans des fauteuils semblent deviser en contemplant de haut le grand bazar de la circulation, avec derrière eux une bande de militaires. Surprise ! C’est le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité qui, avec ses généraux, vient chaque semaine s’installer là jusque très tard dans la nuit. Confrontation du sommet et de la base ? Ou coup démagogique ?
Arrivée dans la boîte où nous avons été invités à boire un verre, autre surprise ! Tous les hommes sont des Blancs, des “expates” ou des militaires en civil, et toutes les femmes sont des Noires très sexy. Rien de nouveau sous le soleil du Tchad ! Alors qu’il y a nombre de dancings très populaires dans la ville… Heureusement, notre petite bande avec les danseurs maliens, Mamela Nyamza et d’autres, vont accaparer un morceau de la piste de danse “pour le plaisir des yeux”.
{"type":"Banniere-Basse"}