Directeur artistique indépendant après avoir longtemps dirigé le Quartz de Brest, Jacques Blanc est notre envoyé spécial au festival Souar Souar dirigé par le chorégraphe Taïgue Ahmed à N’Djaména.
Premier épisode
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C’est à N’Djaména qu’a lieu pendant huit jours (jusqu’au 10 décembre) ce grand charivari populaire d’artistes de la danse surtout, et aussi de la musique et du théâtre. Un programme essentiellement africain avec quelques rares invités venus d’ailleurs.
Les trois premières soirées ont lieu sur la scène du Ballet national. En fait, un gros cube posé sur le sable doré d’un vaste terrain entouré d’une enceinte de murs couleur terre brûlée. Pas de gradin, ni de banquettes, le public est assis par terre ou debout, ou emprunte les sièges des nombreuses guinguettes improvisées qui entourent l’espace, des fauteuils en plastique de fabrication chinoise qui s’effondrent régulièrement sous le poids des spectateurs africains. On boit beaucoup de bière en mangeant du poisson grillé, des brochettes de bœuf ou des tripes. L’entrée est libre et ça circule beaucoup.
Le public se déplace en faisant cercle autour des vieux danseurs venus d’un village voisin qui, en couple, rejouent avec une tendresse touchante et une infinie lenteur les premiers émois sensuels de la rencontre amoureuse, dans une procession circulaire que mènent des flutes et des percussions. Ensuite, de jeunes acrobates issus des quartiers de N’Djaména se déploient sur le sable, encouragés par les cris d’un public très joyeux. Puis, sur la scène, les danseurs vont se confronter à une foule qui ne va cesser de les interpeller, les exciter, les mettre en boîte, tout le monde parle et blague en même temps et les moments de silence ou de tension dramatique sont à déconseiller aux chorégraphes.
Et pourtant, rien d’agressif ni de méchant dans cette interactivité et participation à chaud du public. Même si c’est difficile à vivre pour les interprètes de danse contemporaine qui sont parfois très secoués… Car c’est bien là ce qui est diablement excitant dans ce festival, le mélange des genres. On y trouve le meilleur des contemporains du Tchad et de toute l’Afrique, le hip-hop africain en pleine effervescence, les danses traditionnelles … Sans hiérarchie ni classement, le public voit tout. Souar Souar, ça veut dire « danser danser » en langue kabalaye, une langue d’une région au sud du Tchad, le Tandjilé.
A ce jour, pas un seul programmateur européen en vue. C’est Taïgue Ahmed, un chorégraphe et danseur passionnant, qui se démène, à la tête de son association Ndam Se Na, pour que tout ça tienne debout. Et c’est parfois rude. Hier soir, le générateur a rendu l’âme, puis les nouveaux câblages électriques se sont mélangé les crayons… Résultat, deux heures et demie dans le noir à attendre que les spectacles commencent. Pas une seule protestation, ni réclamation. La panne d’électricité est l’ordinaire de la vie des gens ici, un apprentissage de la patience. Au programme : un solo de Jean Boog , une pièce hip-hop de Rodrigue, les Tchado Stars, Hyacinthe Tobio…
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