Directeur artistique indépendant après avoir longtemps dirigé le Quartz de Brest, Jacques Blanc est notre envoyé spécial au festival Souar Souar dirigé par le chorégraphe Taïgue Ahmed à N’Djaména.
Troisième épisode
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L’hiver n’arrive pas sur N’Djaména, on étouffe dans la chaleur et la poussière des chantiers de réfection des routes. Et d’un autre chantier, celui du palais présidentiel, un bunker complètement mégalo, lequel président s’est déjà fait construire un arc de triomphe sous lequel passe une avenue surdimensionnée qui ne débouche sur rien, une esplanade vide. Tout ça d’une esthétique à rendre jaloux le dictateur nord-coréen Kim Il-sung.
Le Festival « Danse Danse » s’ est transporté ce soir dans la salle de théâtre de l’Institut français du Tchad, un petit théâtre de 250 places à ciel ouvert. L’entrée est d’un prix symbolique et on ne retrouve pas la foule bruyante de l’autre immense espace en plein air du festival. C’est la compagnie Sabots du vent qui ouvre la soirée avec Les Déplacés, un spectacle d’ une vingtaine de minutes du chorégraphe Yaya Sarria. Celui-ci fait partie de la bande des trois Tchadiens en vue de la danse à N’Djamena : Taïgue, Hyacinthe, Yaya. Difficile de déchiffrer l’enjeu de ce spectacle dont l’intimité recherchée a conduit le régisseur lumière à nous plonger dans une obscurité impossible pour les regardeurs. Les amitiés amoureuses entre une femme blanche et une femme noire, puis un second duo entre deux hommes méritaient certainement mieux que ça.
C’est la Cie Karembastudios du Mali qui leur succède avec Les Sorciers, une pièce qui a déjà tourné en Afrique. Cinq interprètes se confrontent physiquement avec violence à des forces telluriques inconnues, aux orages musicaux d’une symphonie fracassante, à une sauvagerie issue des zones les plus obscures de notre humanité… quand apparaît le flûtiste Cheik Diallo dansant comme Krishna avec une grâce et une délicatesse qui vont apaiser les tempêtes. Tout cela peut sembler parfois un peu cliché, mais le spectacle finit par être envoûtant.
Diallo restera comme l’un des magiciens de ce festival qui, à la première apparition sur scène, amène le silence dans le public et l’embarque avec lui. Il chantonne et pousse des cris, parle tout en jouant de sa flûte et danse comme un félin : séduire l’autre, faire naître son désir… comme aux premiers jours de la danse et de la musique. Et ça marche très fort ! Cette petite bande fait partie des complices de Kettly Noel qui maintient à vif son centre de danse de Bamako.
Retour dans la nuit au théâtre de plein air et à ses guinguettes. Acrobates et rappeurs se succèdent. L’aire du théâtre communique avec un espace symétrique où se déroule la fête d’un mariage musulman digne des mille et une nuits. Des centaines de convives, les hommes tout en blanc avec de hauts turbans, les femmes en robes longues éclatantes de couleurs, belles à couper le souffle, un rituel très ordonné avec deux ethnies présentes autour du trône des mariés, une débauche d’argent impressionnante que les convives symbolisent en jetant en l’air des poignées de billets de banque …. l’impression de se confronter à la beauté et à la puissance des seigneurs. L’espace du spectacle et ses rappeurs d’un côté, celui de la cérémonie musulmane de l’autre, comme deux pays sous un même nom, le Tchad.
(deuxième épisode, page précédente)
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