C’est reparti ! Laetitia Dosch invente le théâtre par Zoom et fait parler les arbres aux humains oublieux de la Terre qui les porte.
A la faveur du confinement et du télétravail, on a tous découvert et utilisé Zoom ou d’autres applications de conférences vidéo. Puisque pour les théâtres le confinement s’éternise, tous les projets étant reportés sine die, ou peu s’en faut, Laetitia Dosch innove avec LES Arbres vous parlent (par zoom), un spectacle présenté le 30 mai au théâtre Vidy de Lausanne avant de possibles tournées (virtuelles ou pas) la saison prochaine.
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LES Arbres vous parlent (par zoom) est la déclinaison expérimentale d’un projet autour de l’écologie que mène l’actrice à Vidy avec des chercheurs qu’elle rencontre tous les mois et qui devait donner lieu le 6 juin à une “Veillée qui aurait duré pratiquement toute la nuit avec des professionnels, des semi-professionnels, des amateurs et des spectateurs. Tous devaient venir avec un sac de couchage, des chansons et des poèmes. L’idée, c’est de trouver des formes simples, courtes et parfois collectives, autour de l’écologie. » Les saisons des théâtres étant closes depuis le 16 mars, la Veillée fut annulée.
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« L’urgence du péril écologique »
A la fin du confinement, elle l’avoue, Laetitia Dosch ne dormait plus très bien : “Tout est fermé. Ça fait très peur et c’est important de garder le contact et de raconter des histoires. On est comme les arbres, confinés, alors pourquoi ne pas faire un spectacle par Zoom ? “Elle repense à ce spectacle qu’elle imagine depuis un an où des arbres viendraient sur scène, une forêt entière, et parleraient au public. “Ils pourraient nous avoir écrit un conte, des poèmes, des conférences, pour nous distraire et nous émouvoir, et par là nous faire prendre conscience de l‘urgence du péril écologique et de notre rôle à jouer, à travers un spectacle fait pour nous. Ils nous transmettraient ce qu’ils savent eux depuis des millénaires, et que nous, nous n’arrivons pas à sentir. Ils nous parleraient par exemple peut-être de leur façon de se mettre en réseau, leur solidarité, qui leur permet de maintenir un équilibre dans la forêt et que tout le monde survive, l‘épanouissement de l‘individu, de sa beauté, de ses feuilles, qui se fait sans altérer et sans se faire altérer par l’épanouissement de l‘ensemble. Ils nous ouvriraient les yeux, à nous, plongés dans un monde où la concurrence fait loi. “
« Zoom faisait de nous des forêts d‘arbres immobiles«
Mais la solution scénographique s’avérant, in fine, en désaccord avec le propos écologique qui le sous-tend, le projet a pris une autre forme. “Je parlais aux gens en téléconférence, et ils me disaient que tout d‘un coup ils regardaient la nature, les arbres différemment, comme s’ils attendaient d’eux une réponse. Peut-être parce que nous les humains, nous nous retrouvions tous confinés, enterrés, enracinés, à échanger des nutriments par les réseaux numériques, et que le parallèle était alors plus facile à faire. Zoom faisait de nous des forêts d‘arbres immobiles, meublant notre solitude en nous interconnectant par sa toile, comme les racines sous terre forment un réseau s’étendant sous les paysages. Tout en nous gardant en contact avec notre solitude. Comme les arbres, nous restions en terre, solitaires introspectifs dans nos appartements, liés du bout des doigts à l‘autre. L’écho avec mon projet était fort tout d‘un coup. “Il prit la forme d’une révélation : « Nous n’avons jamais été aussi arbres que maintenant. Aussi réceptifs aux arbres que maintenant. Aussi en mal de réponses. Et de théâtre. “
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Alors, dès la mi-mai, l’équipe artistique, composée de la chercheuse Sarah Koller, du philosophe Emanuele Coccia, auteur de La Vie des plantes, et des acteurs·rices Darious Ghavami, François Gremaud, Yuval Rozman et Laetitia Dosch, s’est retrouvée en Suisse pour démarrer le projet. Jetant son dévolu sur la vue des arbres qu’offre la salle René Gonzales du théâtre Vidy filmée en plan fixe par Stéphane Janvier, les répétitions ont commencé et la méthode de travail s’est précisée : “Pendant cinq jours, le matin, on échange avec des intervenants, des biologistes qui nous parlent du monde végétal, des sociologues et philosophes qui nous parlent de l’effondrement, et des valeurs qu’il y aurait à faire passer en ce moment. L’après-midi, on double les arbres et improvise des dialogues par sessions de vingt minutes par thème. Ensuite, on les réécoute, on trie et on choisit ce qui nous plaît. “
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L’écopsychologie en action
Principale source d’inspiration, l’écopsychologie qui cherche à comprendre et guérir notre relation avec la Terre et examine les processus psychologiques qui nous lient au monde naturel ou qui nous éloignent de lui. “Ces improvisations cherchent à préciser et inventer quels sont les rapports des arbres entre eux et dont nous aurions peut-être des choses à apprendre, quelle est la poésie avec laquelle ils s’expriment, et surtout quel spectacle ou quels différents numéros de spectacle, ils tentent de faire pour les gens. C’est vrai, comment les toucher, ces humains ? Des chansons, des contes, des vociférations peut-être aussi. Ils sont sages, ils sont peut-être aussi effrayants, à l‘image de notre peur pour la nature, sombre, grande et profonde, refuge secret d’insectes dangereux et d‘animaux sauvages cachés, prêts à nous attaquer. Leur colère gronde peut-être. “
Pour assister à l’ultime répétitions des Arbres vous parlent (par zoom), rien de plus simple : connectez-vous samedi 30 mai à 18h sur le site du théâtre Vidy pour une performance en live stream. Pour la suite, Laetitia Dosch imagine une “tournée “sans tournée au théâtre Nanterre-Amandiers, à Montpellier, au Canada… “Si tout va mal à la rentrée pour les théâtres, ça nous permet de faire quelque chose qui parle de maintenant. C’est un spectacle virtuel diffusé en live qui ne coûte pas cher, qu’on peut tourner facilement avec un petit public. C’est un test qu’on fait pour essayer de penser la création autrement. “Où la sève des arbres fait battre à l’unisson le cœur de l’assemblée théâtrale.
Fabienne Arvers
LES Arbres vous parlent (par zoom), un projet de Laetitia Dosch au théâtre Vidy de Lausanne.
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