En introduisant du réel dans la fiction, Lorraine de Sagazan rend ultrasensible l’absence de perspective vécue par la jeunesse dont Platonov est le héros.
Revenir à l’ébauche pour en compléter le dessin et l’actualiser, prélever dans le réel de la biographie des acteurs la matière d’une trame fictionnelle rédigée cent ans plus tôt. C’est ainsi que la jeune metteure en scène Lorraine de Sagazan vient sur le plateau, en quadri-frontal, présenter en ouverture du spectacle le projet de L’Absence de père, “librement inspiré de la pièce Platonov d’Anton Tchekhov”.
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Jeunesse privée de (re)pères
Cette pièce de jeunesse, écrite à 18 ans et jamais achevée, parle précisément de la jeune génération, héritant des dettes de ses parents, grillée avant d’avoir vraiment flambé, réfugiée dans l’ennui, flirtant avec la destruction. On y retrouve tous les thèmes et les situations que Tchekhov va ensuite déployer dans son œuvre théâtrale.
Anna, jeune veuve, réunit dans sa maison de campagne tous les étés un groupe d’amis. Parmi eux, Platonov, ex-intellectuel prometteur devenu instituteur. Des désirs mal assortis qui génèrent les tensions entre les personnages, celui de Platonov est le plus aigu, et sa révolte absurdement étouffée par le poids d’une société où le futur s’écrit en lettres de cendres.
Pour mener de front la thèse de Tchekhov sur une jeunesse privée de (re)pères, Lorraine de Sagazan combine avec justesse une scénographie ouverte entourée par le public, où quelques tables et chaises cadrent plusieurs lieux, où les personnages se réunissent ou se réfugient, avec une dramaturgie où le jeu des acteurs alimente le vécu de leur personnage de leur propre biographie. Drôle, touchant, émouvant, L’Absence de père accomplit la prouesse de rendre intacts l’énergie de la jeunesse et son revers abyssal, de désespoir et de désillusion.
L’Absence de père mise en scène Lorraine de Sagazan, du 6 au 8 novembre, Théâtre de Cornouaille, Quimper, tournée jusqu’en mai
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