L’adaptation ultra-moderne du metteur en scène australien témoigne du glamour et des ornières d’un présent où tout se joue sur les réseaux sociaux.
Accueillant le public avec les images quasi fixes d’une vidéo digne d’une installation d’artiste, Simon Stone fait le choix de commencer avec un plan serré sur les yeux clos de l’héroïne de La Traviata. Renonçant à la traditionnelle ouverture du rideau pour lui préférer le déploiement d’un grandiose lever de paupières sur grand écran, il annonce le début de la représentation en autorisant chaque spectateur à plonger au plus profond du regard de son interprète, l’irradiante Pretty Yende.
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Considéré au théâtre comme l’un des plus brillants dynamiteurs du répertoire classique, le metteur en scène australien signe sa première collaboration à l’Opéra de Paris avec le chef-d’œuvre de Verdi. On brûlait d’impatience de découvrir le sort qu’il réservait à la soprane sud-africaine, pour qui chanter Violetta était aussi une prise de rôle.
Emoticônes et réseaux sociaux
Tragique romance dédiée à une courtisane du XIXe siècle, le livret de La Traviata renvoie à La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils en retraçant la destinée d’une femme ayant dédié son existence au plaisir avant d’être contrainte de mettre fin à une liaison passionnée pour préserver l’honorabilité de son fils à papa d’amant. Inconsolable, elle meurt seule et ruinée, emportée par la phtisie.
Délaissant l’univers des demi-mondaines, Simon Stone invente une Violetta appartenant au cercle fermé des influenceuses d’aujourd’hui. Sous la baguette du chef Michele Mariotti et en compagnie d’un casting hors pair – Benjamin Bernheim (Alfredo Germont), Ludovic Tézier (Giorgio Germont) –, Pretty Yende incarne une égérie glamour capable d’apparaître en couverture des magazines à l’égal des top-modèles ou d’apposer sa brand sur des flacons de parfum de luxe.
Inscrivant le récit dans le présent de nos échanges ponctués d’émoticônes et de l’âpreté contagieuse des posts sur les réseaux sociaux, c’est via une débauche d’images projetées sur un décor tournant tel un miroir aux alouettes que Simon Stone déballe sans pudeur la vie de sa pasionaria, à l’instar d’un livre toujours ouvert.
Acclamations du public
De cascades de champagne en sorties en boîte de nuit, le destin de la belle n’en est pas moins dramatique quand la récidive d’un cancer l’oblige à la chimiothérapie. Elle trouvera finalement le repos dans l’éclatante blancheur d’un au-delà où la pureté de son âme se dissoudra dans la lumière.
Simon Stone offre à Pretty Yende le sur-mesure d’une Violetta s’accordant en tous points à l’éclatante modernité de son talent. Submergée par l’émotion, c’est à genoux et le visage caché dans les mains que la jeune diva recevait, en ce soir de première, les acclamations d’un palais Garnier unanimement debout.
La Traviata de Verdi, direction musicale Michele Mariotti en alternance avec Carlo Montanaro, mise en scène Simon Stone, jusqu’au 16 octobre, palais Garnier, Paris
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