Transformant le brûlot anti-religieux de Diderot en une ode dédiée au combat des femmes pour leur liberté, Marie-Laure Crochant s’impose en comédienne d’exception.
Véritable incarnation du « péché originel », Suzanne Simonin n’aura d’autre destin que celui d’être condamnée, sa vie durant, à demeurer derrière les hauts murs des couvents. Une mise à l’écart du monde qui n’a d’autre but que celui de lui faire expier une faute que sa mère a commise. Dans l’économie simpliste de la morale religieuse de la fin du XVIIIéme siècle, si la bâtarde accepte cette vie de recluse, elle peut, par ce renoncement, racheter sa mère et lui ouvrir toutes grandes les portes du « repos éternel ».
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Ecrit en 1796 par Diderot, le chemin de croix de cette innocente affrontant seule les injustices de la machine religieuse, offre dans un premier temps, un bel argumentaire aux révolutionnaires qui s’opposent à l’église. Mais, c’est le scandale qui de siècle en siècle s’attache à ce roman jugé « obscène, infâme, libertin ou ignoble » par les tenants de la morale chrétienne. Jusqu’à son adaptation au cinéma avec Anna Karina, pour laquelle Jacques Rivette, en 1966, dut batailler contre une commission de censure déterminée à empêcher son film de sortir.
Malgré le retour à l’avant scène de la chose religieuse, la proposition d’Anne Théron de porter La Religieuse au théâtre échappe à cette malédiction du scandale, ne récolte depuis 1997, date de sa création au théâtre national de Bretagne, que des lauriers. Avec une belle scénographie qui place notre héroïne dans la situation d’un insecte prisonnier dans une toile, Marie-Laure Crochant apparaît en justaucorps, portant de longues mitaines et des bas noirs.
Incarnant cette jeune fille qui lutte tout autant contre elle que contre le monde, c’est en prisonnière d’un immense drap blanc, symbolisant cette robe de mariée dans laquelle les jeunes novices s’offrent en mariage au Christ leur seigneur, qu’elle se débat tout au long du spectacle pour tenter de libérer un corps qu’elle se refuse à sacrifier aux codes de la société. Insensible aux révélations de la foi, aux sévices infligés ou aux tentations saphiques, Suzanne, ne revendique que la liberté de choisir une vie, que tous ont décidé de lui voler. La figure d’une résistante éternelle
Patrick Sourd
La Religieuse de Denis Diderot, mise en scène Anne Théron, avec Marie-Laure Crochant. Jusqu’àu 24 mars au Théâtre Sylvia Monfort, Paris. www.lemonfort.fr 01 56 08 33 88 Le 10 avril, théâtre de Chelles, le 12 avril, théâtre de Thouars, 17 et 18 avril, Bourges.
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