Deux couples vivent leur séparation dans l’ombre d’Anna Karénine. Dans le cadre du Festival d’automne, l’auteur et metteur en scène Tiago Rodrigues s’empare de Tolstoï en écrivant sa propre fiction.
Les histoires de nos vies se lovent en creux dans les grandes œuvres littéraires. Quel adolescent n’a pas lu comme un viatique les Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke ? Le viatique de Franck dans The Way She Dies, écrit et mis en scène par Tiago Rodrigues, est un pavé de “490 grammes et 1 021 pages”. Anna Karénine de Léon Tolstoï.
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“Ce livre n’est pas une chose. C’est quelqu’un. C’est toi. C’est ma solitude. C’est moi. C’est un monde de 490 grammes. Le poids de ma vie. Quand je l’ai connue, j’ai rangé le livre sur l’étagère, comme si c’était une chose.”
Pour l’amour de la littérature
Et puis, il l’a ressorti de l’étagère le jour où sa femme l’a quitté pour un autre homme. Ce livre qu’il lit désormais pour se comprendre est celui que sa mère, portugaise, avait lu et abondamment surligné, lorsque, ayant rencontré un Belge, elle avait choisi d’apprendre le français et de quitter son père.
The Way She Dies met en scène deux couples, l’un portugais, vivant à Lisbonne dans les années 1970, l’autre à Anvers en Belgique, aujourd’hui, éprouvant à quelques décennies d’intervalle la même rupture. La même échappée de l’aimée vers un autre homme. “Et il vit que le fond de son âme, qui autrefois lui était toujours ouvert, lui était à présent fermé. Au ton de sa voix, il vit qu’elle n’éprouvait pas le moindre trouble.”
Comme dans les précédents spectacles de Tiago Rodrigues, la littérature est au centre du processus théâtral de l’auteur
Tout en jeux de miroirs, allers-retours, le spectacle en dialogue permanent avec l’œuvre de Tolstoï n’est pas une adaptation mais plutôt une démonstration du travail de l’œuvre dans la vie des deux couples. Comme dans les précédents spectacles de Tiago Rodrigues – avec le sonnet 30 de Shakespeare dans By Heart, les amours tumultueuses d’Antoine et Cléopâtre, Madame Bovary mise en procès ou encore Tchekhov susurrant des conseils à une enfant perdue dans Sopro –, la littérature est au centre du processus théâtral de l’auteur.
Retrouvant pour l’occasion ses amis du collectif tg STAN avec lesquels il était autrefois acteur, il met en scène également leurs manières de travailler : toujours questionner le texte, dans toutes ses variantes, ses traductions et ses interprétations. Si le diable se cache dans les détails, la subtilité, elle, se niche dans les plis de la littérature.
The Way She Dies de Tiago Rodrigues, avec le collectif tg STAN., jusqu’au 6 octobre, Festival d’Automne, Théâtre de la Bastille, Paris
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