Marianno Pensotti, Philippe Quesne, Anne-Sophie Turion et Éric Minh Cuong Castaing. Voici notre sélection de spectacles à voir cette semaine.
Le Jardin des délices, par Philippe Quesne
Évidemment, pas moyen de trimballer la carrière de Boulbon pendant toute la tournée du Jardin des délices de Philippe Quesne. Même si, durant le dernier festival d’Avignon, il fit sensation pour la réouverture, après de longues années, de ce mythique lieu de spectacle. Mais tout l’art de Philippe Quesne consiste à s’installer, son drôle de théâtre performatif et ses interprètes, n’importe où et d’en faire un lieu propice à l’évasion par l’imaginaire. Le fusionnant cette fois-ci avec l’exubérance du chef-d’œuvre de Jérôme Bosch, il défriche un “Jardin des délices” à la recherche des utopies du futur.
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Le Jardin des délices d’après Jérôme Bosch, mise en scène Philippe Quesne, du 20 au 25 octobre 2023 à la MC93, Bobigny dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.
La Obra, par Marianno Pensotti
Démêler le vrai du faux s’avère un vœu pieux s’agissant de La Obra (La Pièce), dernière création du metteur en scène argentin Marianno Pensotti. Peut-être parce que tout l’intérêt de la fiction consiste à questionner la réalité, ses sens multiples et les lectures subjectives qu’en font chacun·e de nous. Ce que Marianno Pensotti en dit : “La pièce évoque des gens qui font l’expérience de la fiction dans une pièce de théâtre à laquelle ils participent sans être des acteurs professionnels” à travers l’histoire de Simon Frank, un juif polonais rescapé des camps de concentration et émigré en Argentine, où il reconstitue, dans le village où il s’est installé, d’abord sa maison, puis d’autres lieux et rejoue des scènes de son passé devant ses voisin·es. Jusqu’au jour où… il s’avère que la victime était un bourreau, le créateur, un imposteur. Il est vrai que l’Argentine fut, après guerre, un refuge pour les juif·ves rescapé·es de la Shoah… comme pour les nazis qui s’enfuirent d’Allemagne. La Obra en est le reflet, indique le metteur en scène, “une vision baroque : le monde comme un grand théâtre, comme représentation”.
La Obra, texte et mise en scène Marianno Pensotti, du 23 au 26 octobre 2023 au théâtre de la Cité Internationale, Paris. Dans le cadre du festival d’Automne à Paris.
Hiku, par Anne-Sophie Turion et Éric Minh Cuong Castaing
Au Japon, le phénomène des hikikomori est bien connu : il s’agit de personnes vivant chez elles, recluses, refusant de sortir et toute contrainte sociale, pour se réfugier dans l’univers des mangas ou des jeux vidéo. Dans Hiku, mêlant cinéma et performance, fiction et documentaire, le tandem Anne-Sophie Turion et Éric Minh Cuong Castaing fait intervenir trois hikikomori en phase de resociabilisation. Iels prennent la parole et interagissent avec le public à des milliers de kilomètres de distance, chacun·e pilotant son robot depuis sa chambre, pendant que Yuika, leur interprète et partenaire de jeu, les accompagne sur le plateau de théâtre. Un geste militant pour Turion-Castaing : “Ce retrait n’est pas une maladie, mais une résistance sociale. Ce que nous leur proposons, c’est un espace d’expression qui est de l’ordre de la reconnaissance.”
Hiku, conception Anne-Sophie Turion et Eric Minh Cuong Castaing. Du 19 au 21 octobre à la Maison de la Culture du Japon, Paris. Dans le cadre du festival d’Automne à Paris.
Festival Sens interdit
Année impaire : le festival international Sens interdit, créé en 2009, “se construit autour des notions de mémoires, d’identités et de résistances”, à travers la programmation foisonnante d’une vingtaine de spectacles. Année paire : le festival se nomme Sens interdit et se concentre sur un thème.
Donc, 2023, Sens interdit se déroule pendant deux semaines et résonne, indiciblement, inévitablement, avec l’actualité. Cette semaine, à voir absolument : Cousu main/Coups humains, écrit et mis en scène par Jeanne Diama, qui parle du viol des femmes en temps de guerre et Toi, moi, Tituba, d’Elsa Dorlin, mis en scène par Dorothée Munyaneza. Deux spectacles venus de Palestine : And Here I Am, du Freedom Theatre, interprété par Ahmed Tobassi, d’après le récit de sa vie et qui retrace son parcours depuis le camp de Jénine, où il est né, en Cisjordanie, engagé dans la lutte armée et emprisonné à 17 ans. Quatre ans plus tard, libéré, il part en Norvège et se forme au théâtre. Ainsi que Losing It de Samaa Wakin et Samar Haddad King, qui raconte ce que c’est de grandir en temps de guerre. Et aussi, la première internationale de Nous ne sommes plus…, de Tatiana Frolova du KnAM Theatre, artiste russe ayant fui son pays avec son équipe après l’invasion de l’Ukraine pour se réfugier en France.
Festival Sens Interdit, à Lyon, jusqu’au 28 octobre 2023.
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