Comment jouer “La Mouette” ? Ou plutôt comment la déjouer, voire même s’en jouer ? Avec “Seagull (Thinking of You)” la compagnie new-yorkaise Half Straddle aborde la pièce de Tchékhov sous un angle inédit. Une création à découvrir dans le cadre du festival New York Express
L’oiseau blessé. L’oiseau mort. Le vol fauché avant même d’avoir pu déployer ses ailes… Les métaphores qui gravitent autour du symbolisme de la mouette à laquelle s’identifie le personnage de Nina forment un motif récurrent que tous ceux ayant abordé un jour cette pièce de Tchékhov connaissent par cœur.
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Tina Satter, metteuse en scène à la tête de la compagnie new-yorkaise Half Straddle, choisit de ne pas exactement monter La Mouette préférant aborder le texte par petites touches pour le travailler à la façon d’un puzzle. Présenté en France à Villeneuve- d’Ascq dans le cadre du festival Next en novembre dernier, Seagull (Thinking of You) trace des lignes de fuite à partir du texte original ainsi que de la correspondance de l’auteur pour livrer une version largement déconstruite et quelque peu délurée de la pièce de Tchékhov.
Samovar, toque en fourrure, dentelles, ormes… présents ou évoqués ces éléments typiques du théâtre russe ressemblent ici à des objets sortis d’un vieux coffre à jouets. De même, Treplev trimballe sous son bras une méthode pour apprendre le russe. Mais s’agit-il bien de Treplev ou de l’actrice censée assumer ce personnage ? De tels indices dispersés çà et là donnent une idée de l’écart dans lequel se positionne le spectacle vis-à-vis de son sujet.
Plus que sur Tchékhov ou sur La Mouette à proprement parler, Tina Satter met l’accent sur les travaux d’approche de ce classique du répertoire marqué par le désir intense qui tenaille les protagonistes. Comme des figurines sur un échiquier, les comédiennes – chaque distribution de la compagnie Half Straddle est exclusivement féminine – gravitent autour du texte dans un dédoublement permanent où elles jouent autant à être actrices qu’à interpréter un rôle.
D’où l’ambiguïté, par exemple, lorsque Arkadina, sorte de poupée Barbie à la fois jeune et âgée, évoque de façon inattendue son attirance sexuelle pour les femmes. De son côté, Macha, les yeux bordés de noir, s’avère un clown d’autant plus drôle et énigmatique qu’elle ne décroche jamais un sourire. Ses traversées intempestives du plateau sur une planche de skate contribuent à l’atmosphère parodique doucement vrillée de ce spectacle où régulièrement les actrices se retrouvent pour chanter en chœur du heavy metal dans un gromelot russe de leur cru ; où l’écrivain Trigorine rédige des SMS et où les cigarettes circulent de l’une à l’autre comme on se passerait un pétard.
Tina Satter et ses actrices inventent une Russie imaginaire. Une Russie rêvée sur les bords de l’Hudson. Irréelle parce que fantasmée comme une surface de projection où mettre à l’épreuve sur un mode ludique la complexité du rapport amoureux.
Seagull (Thinking of You), d’après Anton Tchékhov, mise en scène Tina Satter
Du 27 au 29 mars à Toulouse (31), les 2 et 3 avril à Gennevilliers (92), les 8 et 9 avril à Strasbourg (67). Dans le cadre du festival toulousain New York Express avec Vision Disturbance de Chritina Masciotti, mise en scène Richard Maxwell, Bronx Gothic de Okwui Okpokwasili, mise en scène Peter Born. Du 25 au 29 mars à Toulouse (théâtre Garonne) ; du 31 mars au 5 avril à Gennevilliers (Théâtre de Gennevilliers) et du 5 au 11 avril à Strasbourg (Le Maillon).
www.theatregaronne.com www.theatre2gennevilliers.com www.maillon.eu
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