Inventant un langage mixant images vidéo et jeu des acteur·trices, le metteur en scène exalte la splendide traduction de l’œuvre de Tchekhov signée par Olivier Cadiot.
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Formé aux Beaux-Arts, Cyril Teste agit en peintre autant qu’en cinéaste en enrichissant le cours de la représentation de La Mouette de captations en live projetées sur la blancheur de toiles vierges qu’il déplace comme un accrochage mouvant sur les murs d’un atelier d’artiste.
“Pour moi, la chose la plus subversive à tenter était de m’en tenir à une exploration en profondeur du texte d’Olivier Cadiot, précise le metteur en scène. Le pari était d’inventer une dramaturgie de l’immédiateté pour faire dialoguer les corps des acteurs et leurs présences filmées sur le plateau.”
Prétextant une villégiature dans une résidence située sur les rives d’un lac, Anton Tchekhov pointe l’intime d’une représentation en famille pour réactiver une querelle sur l’art digne des Anciens et des Modernes.
Manifeste de la modernité
Avec La Mouette, il annonce, dès 1896, l’avènement d’une avant-garde théâtrale. Signant l’acte de naissance de la performance, la pièce s’ouvre sur un happening imaginé sous la lumière de la pleine lune par Treplev, le fils de la maison. Ce manifeste de la modernité est incarné par Nina, la jeune femme qu’il aime, dont le seul rêve est de devenir actrice.
Les commentaires ironiques de sa mère Arkadina, comédienne célèbre ne jurant que par un théâtre reconnu du public, tout comme les regards amusés de Trigorine, son amant littérateur se suffisant de succès qui rapportent, auront tôt fait de mettre un terme à l’expérience. Les murs de l’atelier conçut par Cyril Teste cristallisent ce clash originel comme un obstacle indépassable.
Seule la médiation des images va témoigner des paysages et des actions se passant dans la demeure. La grammaire visuelle travaille d’abord sur le grain charbonneux du noir et blanc avant d’exalter les couleurs de la carnation des peaux quand il s’agit d’évoquer les passions amoureuses.
Cyril Teste se revendique, depuis le départ, du point de vue de son antihéros
Artiste contrarié et amant éconduit, Treplev se suicide dans le hors-champ de la scène chez Tchekhov. Ayant opté pour une installation qui lui interdit tout regard direct sur le plateau, Cyril Teste se revendique, depuis le départ, du point de vue de son antihéros.
La silhouette de celui qui vient de mettre fin à sa vie se dresse toujours en contre-jour quand son décès est annoncé. Il n’est plus qu’une ombre se contentant d’observer sur l’écran les images de ce monde qu’il vient de quitter et dans lequel il n’a jamais trouvé sa place. Reste l’éternelle puissance d’une solitude d’artiste actant du legs d’une œuvre s’affranchissant même de la mort.
La Mouette est à voir au Théâtre Les Gémeaux – Scène Nationale de Sceaux, jusqu’au 18 novembre 2021.
La Mouette d’après Anton Tchekhov, traduction Olivier Cadiot, mise en scène Cyril Teste/Collectif MxM, avec Vincent Berger, Olivia Corsini, Katia Ferreira, Mathias Labelle, Liza Lapert, Xavier Maly, Pierre Timaire, Gérald Weingand. Au théâtre Les Gémeaux à Sceaux jusqu’au 18 novembre.
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