A Londres, le street artist a organisé sa contre-fête de Noël rituelle. Spéculateurs, fans, artistes, collectionneurs et même police y ont découvert les nouvelles oeuvres du romantique révolutionnaire dont le film Faites le mur sort enfin en France.
On reconnaît certains artistes et quelques collectionneurs huppés entassés dans la galerie située à deux doigts des sex-shops de Soho. En fait, on pourrait discuter avec Banksy sans même le savoir. Apparemment, c’est déjà arrivé à une précédente exposition mais pas moyen de se souvenir lequel de nos interlocuteurs avait les ongles souillés par les bombes de peinture ! Cette liberté n’a pas de prix : elle lui permet de continuer à investir les briques de la ville, à rendre la parole aux murs.
Ce genre de pince-fesses jet-set fait aussi partie des ambiguïtés et de l’ironie du triomphe de Banksy : lui qui a, avec un tel humour noir, un tel romantisme révolutionnaire, une telle virulence, dénoncé les hystéries de la finance et la barbarie du libéralisme est aujourd’hui collectionné avec passion par quelques-uns des plus conservateurs ténors de la City.
Sans qu’il en fasse la moindre publicité, on sait qu’une grosse partie de ses revenus colossaux partent vers des oeuvres caritatives : ils servent aussi à faire vivre ses studios, où se pressent, dans un atelier de la campagne anglaise, ses nombreux collaborateurs, qui opèrent ici ou là sous forme de commando, montant et démontant des installations en quelques heures.
Récemment, sur le front de mer de Brighton, Banksy avait placé un de ces dauphins mécaniques que chevauchent les enfants. La musique était lugubre, dingue, et le dauphin sautillait inlassablement dans une marée noire créée pour l’occasion.
Pour Marks & Stencils, s’il a été omniprésent et maniaque dans le choix des artistes et des oeuvres, il est resté très discret sur ses propres créations : quatre peintures seulement, disputées à plus de 100 000 euros pièce dès l’ouverture.
[attachment id=298]Et, surtout, une lithographie qui renseigne sur son avenir proche : un chav, genre de hooligan désoeuvré, traînant son chien. Sauf que le pitbull est ici remplacé par un des chiens de l’artiste Keith Haring. Sans doute un avant-goût de la vaste rétrospective du street-art qui se prépare au printemps à Los Angeles, où Banksy entrera au musée d’Art moderne sans forcer la porte : pendant des années, une de ses spécialités fut l’accrochage de ses oeuvres, pompeusement encadrées, dans tous les musées du monde !
L’histoire d’amour entre le street artist de Bristol et Los Angeles (il est collectionné par plusieurs stars de l’entertainment) s’est confirmée avec la sélection de son film documentaire Faites le mur aux prochains oscars : « Banksy goes to Hollywood ! »
A deux pas de la galerie, Oxford Street brille de toutes ses lumières de Noël : ordre d’insouciance et d’abandon pour un mois d’hébétude ainsi que de consommation frénétique. En contrepoison, Marks & Stencils ravive la flamme toxique et la poilade acide des Santa’s Ghetto désormais légendaires. Des détournements de cartons d’emballage et de cartoons emballants de Dran jusqu’aux manchettes post-situ de Banksy, le Grinch est en ville – qu’on sorte le tapis noir.
JD Beauvallet
Exposition Marks & Stencils jusqu’au 22 décembre à Londres (1 Berwick Street, Soho), www.picturesonwalls.com Livre Guerre et spray de Banksy (éditions Alternatives, première traduction française de son ouvrage Walls and Piece, 240 pages, 21,50 euros)