A la Villa Arson, la réalité est un concept à existence variable. “Et si ?”, se demande constamment l’exposition La Doublure.
Sur l’affiche des Jeux olympiques de 1940, pas de mascotte sympa mais des corps triomphants. Si l’on peut avec le recul avoir des doutes sur le bon goût de l’esthétique fascisante, il ne vient en revanche pas à l’esprit de douter de l’événement lui-même. Puisqu’il est annoncé et que l’arsenal publicitaire a été mis en branle, c’est qu’il doit avoir eu lieu.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En fait, pas du tout : si les JO auraient dû se dérouler à Tokyo, le Japon dut renoncer lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata et que le pays se retrouva en conflit avec la Chine. Ils furent attribués à Helsinki, mais l’attaque du nouveau pays hôte par l’Union soviétique tira un trait définitif sur la manifestation sportive.
Ilôts fictionnels
Cette affiche, présentée dans le cadre de l’exposition La Doublure, à Nice, fait partie d’un ensemble d’artefacts qui prouvent l’existence de “mondes parallèles”, d’îlots fictionnels qui ne sont pas stricto sensu faux (ou des faux) mais qui posent problème parce que leur réalité est doublée d’imaginaire. Dense et compacte, d’abord présentée à la Biennale de Brno (République tchèque) et réadaptée au contexte niçois, l’expo interroge le statut du document comme le contexte artistique tous azimuts – l’œuvre, le commissaire, l’artiste, les médiateurs, pour être tout à fait exact.
“Plusieurs catégories d’auteurs interviennent : les artistes vivants qui ont créé une pièce, les artistes vivants dont on a emprunté une pièce, les artistes qui ont inventé un artiste fictif, mais aussi des objets nés de décisions curatoriales sans artiste derrière”, tente de clarifier Maki Suzuki, graphiste membre du collectif Abäke et l’un des quatre commissaires ayant accouché de cette drôle de bestiole.
Laisser exister le rêve et la fiction
“Nous montrons, par exemple, une carte de visite ‘Francis Bacon designer’ et deux tabourets de sa main, explorant ce qui aurait pu se passer si Francis Bacon, l’artiste, n’était pas allé voir l’exposition Picasso qui l’a décidé à abandonner sa carrière de designer au profit de la peinture.”
Impossible de ne pas avoir le mot “postvérité” au bout des lèvres. Pour percevoir le sens profond de l’exposition, il faut se garder de le dire tout haut. Car ce qui importe n’est pas de trancher entre vrai et faux, de dénoncer ou d’affirmer, mais de laisser advenir le “et si…” des uchronies, d’imaginer des réalités alternatives, et laisser exister le rêve et la fiction hors des querelles de la basse-cour politique.
La Doublure jusqu’au 30 avril à la Villa Arson, Nice
{"type":"Banniere-Basse"}