Avec « Tauberbach », le Belge Alain Platel signe un retour au premier plan.
On avait laissé Alain Platel à Madrid après son opéra C(h)œurs, créé au printemps 2012. Ses proches disaient le chorégraphe sonné après un accueil plutôt houleux dans cette maison d’opéra peu habituée à voir le réel mis en scène. On le retrouve en ce mois de janvier, passablement apaisé à la première de Tauberbach, tout juste donnée au Münchner Kammerspiele de Munich.
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Une équipe réduite – six interprètes – un décor simple – juste cinq tonnes de vêtements éparpillés sur le plateau. Ce projet est né d’un désir partagé par Platel et l’actrice du NT Gent, Elsie de Brauw. “De se confronter à quelqu’un d’aussi libre, venue du théâtre, est une sorte de défi pour moi”, raconte Alain. Il sait de quoi il parle, lui qui a réuni sur scène des amateurs et des professionnels, des jeunes et de vieux.
Une grammaire improbable
Mais Tauberbach n’est pas un caprice de vedette : Alain Platel a découvert un documentaire de Marcos Pradro, le portrait d’une femme, Estamira, qui vit dans une décharge près de Rio de Janeiro. “Elle s’est inventé une langue, dit qu’elle communique avec des forces astrales.” On entend durant ce spectacle cette grammaire improbable servie par Lisi Estaras ou des bribes de textes dits par Elsie de Brauw, laquelle semble encore chercher sa place dans l’ensemble.
De cette matière vivante, Platel fait une variation au lyrisme débridé avec des danseurs possédés. On grimpe sur les montagnes de linge, on imite les insectes, on se badigeonne de peinture, on se prend dans les bras. Il y a chez Platel ce besoin de consolation que certains prennent, à tort, pour de la bonne conscience.
Bach pour les sourds
Pour la bande-son, du Bach bien sûr, mais en partie “chanté” par des sourds. Bouleversant d’humanité. “On dit souvent que la musique de Bach, c’est une sorte de science mathématique comme si il n’y avait pas d’émotion ! C’est tout le contraire. On m’avait passé cet enregistrement de Tauberbach (littéralement ‘Bach des sourds’) justement et je cherchais le bon moment pour l’intégrer dans une pièce. Pour moi, tout est lié à Bach.”
On retrouvera dans cet opus la gestuelle développée depuis quelque temps déjà : corps à vif, grimaces et jeu avec les micros. Il y a une évidente parenté avec Out of Context – For Pina.
“J’ai envie de montrer le chaos dans la tête des gens. C’est mon plaidoyer humaniste, surtout pas un spectacle à message.”
Alain Platel parle encore dans son français fleuri de “dentellerie”. Exactement cela : une danse pour raccommoder les âmes en peine. Tauberbach pourra en énerver certains, en troubler d’autres. Mais sa générosité, si rare, n’en est que plus précieuse.
http://vimeo.com/83762494
Tauberbach, conception Alain Platel Chaillot Paris du 24 janvier au 1er février, Maison de la Danse de Lyon les 28 et 29 mars. MC2 Grenoble les 1er et 2 avril
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