Le metteur en scène adapte une pièce de Pinter qui, portée par des comédiens hors-pair, brasse avec une modernité saisissante harcèlement, arrangements avec la vérité et pulvérisation de la sphère privée.
Comme miroir de nos existences, l’espace où nous vivons se construit au fil du temps et s’accorde à notre désir de créer un lieu témoignant de notre idée de la beauté. Il s’agit aussi d’inventer le refuge capable de nous protéger des agressions du monde extérieur, une parenthèse de confort et de sécurité.
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Avec La Collection, et tandis qu’on assiste à la violation répétée de la sphère intime, le pince-sans-rire Harold Pinter traite de la menace qui pèse sur chacun d’entre nous de voir le petit autel de ses vanités sauvagement saccagé.
Avec une troublante modernité, l’intrigue cible deux couples représentatifs de ces quadras bien installés qu’on nomme,
de nos jours, les bourgeois bohèmes
Sur le plateau, Stella (Valérie Dashwood) et James (Laurent Poitrenaux), son mari, habitent un appartement londonien à la blancheur immaculée, au cœur du quartier arty de Chelsea. Harry (Mathieu Amalric) et Bill (Micha Lescot) (lire notre entretien) vivent ensemble dans le noir cocon d’une villa de Belgravia, où se retrouvent les représentants de la société huppée de la capitale anglaise. Avec une troublante modernité, l’intrigue cible deux couples proches des milieux de la mode et représentatifs de ces quadras bien installés qu’on nomme, de nos jours, les bourgeois bohèmes.
Lorsqu’il écrit sa pièce en 1961, Harold Pinter associe l’inquiétude d’être à la merci de la malveillance des autres au fait de pouvoir être joint à tout moment au téléphone par un inconnu. Aujourd’hui, l’usage d’internet ayant renvoyé le combiné au rang d’antiquité, Lagarde s’amuse de la présence d’innocents boîtiers d’assistance personnelle pour en faire les relais des menaces qui pèsent sur l’intime.
Une nuit à l’hôtel
Montant la pièce en se référant à un présent où tout est dématérialisé, le décor s’affranchit des distances pour fusionner les intérieurs de nos protagonistes en deux salons jumeaux. Après avoir joué le rôle du harceleur au bout du fil, James finit par forcer la porte du logis de Bill sous prétexte de tirer au clair l’énigme de ses rapports avec Stella, après la nuit qu’ils ont passée dans un hôtel de Leeds au sortir d’une convention de stylistes.
Exaltée par la nouvelle traduction d’Olivier Cadiot, l’entreprise de démolition s’attaque à notre perception du réel
L’affaire pourrait se résumer au pétage de plombs d’un mari jaloux. Avec cruauté, Harold Pinter répand le poison du doute en démultipliant à plaisir la collection des vérités alternatives récoltées par James à chacun de ses coups de force. Exaltée par la nouvelle traduction d’Olivier Cadiot, l’entreprise de démolition s’attaque à notre perception du réel.
Elle ouvre le champ à des affres d’inquiétude en pointant qu’il n’existe aucun endroit où l’on peut prétendre être chez soi. Relayée avec talent par les comédiens, cette bascule cauchemardesque vers l’inconnu est d’une efficacité imparable. On s’abandonne avec délice au trouble de ce monde où parler de la réalité n’a plus sa place.
La Collection d’Harold Pinter, traduction Olivier Cadiot, mise en scène Ludovic Lagarde, avec Mathieu Amalric, Valérie Dashwood, Micha Lescot et Laurent Poitrenaux. Du 27 février au 1er mars à la Comédie de Reims. Du 7 au 23 mars au Théâtre des Bouffes du Nord, Paris Xe
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