La Villette, à Paris, présente Kirina, la nouvelle création du chorégraphe Serge Aimé Coulibaly : axée sur l’image d’un peuple en marche, une pièce de grande ampleur dont l’envoûtante musique de Rokia Traoré accentue encore l’aspect opératique.
A la fois interprète et chorégraphe, Serge Aimé Coulibaly – né au Burkina Faso en 1972 – réalise ses propres pièces depuis le début des années 2000. Caractérisées par leur vitalité positive autant que par leur puissance expressive, elles véhiculent une forme résolument ouverte de danse contemporaine, qui s’enracine dans la culture africaine pour mieux tendre vers l’ailleurs. Ainsi trouvent-elles une résonance importante partout dans le monde. Après Kalakuta Republik (2016), pièce débordant de rythme(s) conçue en hommage à Fela Kuti, le prince nigérian de l’Afrobeat, Serge Aimé Coulibaly continue de creuser l’histoire de l’Afrique avec Kirina, sa nouvelle création.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La pièce prend comme point de départ la bataille de Kirina, qui eut lieu en 1235 et qui, remportée par l’armée de Soundiata Keita, marqua la naissance de l’Empire mandingue en Afrique de l’Ouest. A travers cet événement historique fondateur, Serge Aimé Coulibaly cherche avant tout à saisir l’élan collectif d’un peuple qui se dresse pour se lancer avec courage vers l’avenir.
La réalité de l’humanité
Sa composition chorégraphique s’appuie ainsi sur l’image de la marche comme transformation – une image dont la force symbolique excède largement les frontières de l’Afrique. “Les marcheurs qui arrivent dans un pays participeront à la construction de ce pays pour longtemps. C’est la réalité de l’humanité, son espoir”, déclare le chorégraphe.
Serge Aimé Coulibaly collabore ici avec deux personnalités africaines de premier plan : la diva malienne Rokia Traoré et le penseur sénégalais Felwine Sarr. Auteur d’Afrotopia, livre très remarqué plaçant l’Afrique au centre d’un nouveau projet de civilisation, Felwine Sarr signe un texte comparable à un livret d’opéra, qui se réfère à l’histoire de l’Afrique autant qu’à la Bible ou à la tragédie occidentale.
L’épopée mandingue
Ayant elle-même évoqué l’épopée mandingue dans un récent concert-spectacle (Dream Mandé Djata), Rokia Traoré compose une partition envoûtante, irriguée en profondeur par la musique traditionnelle d’Afrique de l’Ouest. Elle est présente sur le plateau, aux côtés des musiciens et de deux autres chanteuses. Les voix se mêlent à divers instruments (balafon, guitare, basse, batterie, percussions) et l’ensemble dialogue intimement avec la danse et le texte.
Comme jaillissant d’une voix inextinguible, le texte est interprété par le jeune poète, comédien et slameur burkinabé Ali “Doueslik” Ouédraogo. Tel un vibrant griot moderne, il transmet le récit de la pièce et le remodèle d’un soir à l’autre en improvisant sur l’actualité.
Quant à la partie chorégraphique, elle mobilise non seulement neuf danseurs et danseuses professionnels mais également une vingtaine de figurants amateurs, recrutés par chaque lieu de représentation en veillant à refléter au mieux la diversité de la population locale.
Rehaussés par une scénographie ouvrant l’espace et l’imaginaire au maximum, notamment via la vidéo, tous ces éléments se conjuguent pour donner forme à une ample fresque scénique, contrastée et mouvementée. De joies en tristesses, de doutes en espoirs, de dons en sacrifices, s’affirme tout du long la nécessité cruciale du mouvement qui porte l’être humain vers l’autre et l’inconnu.
Kirina, les 13 et 14 juin à 20 heures, Grande Halle de La Villette, Paris XIXe
{"type":"Banniere-Basse"}