Figure emblématique de la contre-culture française, le graphiste, peintre et vidéaste Kiki Picasso présente ses « chefs d’oeuvres » à l’hôtel Beaubrun. Rencontre avec l’artiste et le commissaire de l’exposition.
Comment avez-vous rencontré Kiki Picasso ?
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Eric de Chassey, commissaire de l’exposition – Je connais son travail depuis les années 1980. Dans l’exposition Europunk que j’avais organisée en 2013, il y avait une section consacrée à Bazooka, un collectif d’artistes dont fit partie Kiki Picasso. En revanche, je n’avais pas eu l’occasion de me pencher sur la période plus récente, celle de Kiki Picasso sans Bazooka des années 1980 à nos jours. Il y a deux ans, l’exposition L’Esprit Français à la Maison Rouge, à Paris, avait montré des pièces de Bazooka. Et puis nous avons appris qu’Emerige allait quitter l’hôtel Montfort. L’occasion de faire une grande exposition venait de s’offrir à nous.
Cette exposition, aurait-il été plus difficile de la monter depuis une institution ou un musée ?
Eric de Chassey – J’en suis certain. On accepte très bien le Kiki Picasso graphiste, relié à une histoire plus large de la culture visuelle ou des contre-cultures. Mais dès que l’on commence à parler d’art, on reste avec des résistances très fortes entre une culture dite haute et une culture plus populaire. Or la stratégie de Kiki Picasso, c’est justement l’infiltration. Des provocateurs, le monde de l’art n’en manque pas, mais cette déhiérarchisation, il me paraît l’un des premiers à l’entreprendre en France.
Kiki Picasso – Lorsque nous avons monté Bazooka aux Beaux-Arts de Paris en 1974, nous étions nourris d‘une culture classique des beaux-arts. Nous voyions toutes ces galeries d’art autour de nous, mais nous n’avons jamais fait le moindre effort pour montrer notre travail dans ces lieux.
Et pourtant, le titre de l’exposition l’annonce noir sur blanc : il s’agit ici d’une exposition de « chefs d’œuvres » …
Eric de Chassey – Je voulais me concentrer sur les originaux, les peintures d’abord mais également les dessins, planches de BD et réalisations graphiques qui ont ensuite été diffusées dans la presse, la pub et les affiches. J’ai repris la fameuse hiérarchie des genres que pose Félibien en 1667 : scène de genre ; nature morte ; histoire ; portrait. C’est également un clin d’œil à Kiki Picasso lui-même. Lorsque Bazooka se sépare, il publie un livre de chefs d’œuvres qui se présentait sous la forme d’un faux catalogue raisonné de ses tableaux. A l’époque, son intention était parodique, mais aujourd’hui, elle ne l’est peut-être pas tant que ça.
Kiki Picasso, quel est votre processus travail ?
Kiki Picasso – Dans le temps, je pouvais passer une journée dans ma bibliothèque à découper des livres. Maintenant, avec internet, en une heure, je suis prêt à commencer à peindre. Etre pris dans le flux, je trouve ça très excitant. Lorsque je me balade dans le paysage médiatique, j’y prends le même plaisir que le peintre de paysage.
• Les chefs d’œuvre de Kiki Picasso 2, du 5 avril au 3 mai à l’hôtel Beaubrun au 17-19 rue Michel Le Comte à Paris
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