Reprise attendue au TNB de Rennes du formidable Julius Ceasar de Shakespeare où Arthur Nauzyciel transpose la fresque romaine dans l’Amérique des assassins de John F Kennedy .
Genèse d’une vision : Invité à créer Julius Caesar de Shakespeare à Boston en 2008, l’année de l’élection de Barack Obama, Arthur Nauzyciel et les comédiens de la troupe de l’American Repertory Theater (ART) réactivent le discours politique shakespearien pour l’accorder à l’histoire des Etats Unis.
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Situant l’action dans l’Amérique des années 60, celle du traumatisme de Dallas et de l’assassinat du président John F. Kennedy, Arthur Nauzyciel pose ainsi sa pierre dans le débat en avançant l’hypothèse que si Rome n’est plus la même après l’assassinat de César, l’Amérique avait perdu un visage après celui de JFK.
Le metteur en scène cadre son drame en plan large en hommage à la flamboyance du cinéma de Douglas Sirk. Femmes en robe de soirée et staff de comploteurs en costume cravate noir se liguent contre César interprété par le magnifique Dylan Kussman. Entre le rouge profond de la moquette des appartements au design impeccable et les fauteuils cramoisis d’une salle de théâtre campant en toile de fond une agora déserte, on sait qu’il va y avoir du sang à la une.
Un pur poème shakespearien
Sur scène, un trio jazzy distille sa nostalgie de Cry Me a River de Julie London au Suicide is Painless titre inséparable du film MASH de Robert Altman. Et quand le pire doit arriver, dans une irréelle chorégraphie de Damien Jalet, il n’est point besoin d’arme blanche pour que les 23 coups soient portés tandis que César tombe, le corps ensanglanté.
C’est à travers le très pur poème shakespearien dédié à une éloquence aussi brillante que vaine qu’Arthur Nauzyciel enfonce son propre couteau dans les plaies de l’Amérique. Car si dans ce pays il est facile de tuer, il semble presque impossible de se débarrasser des morts. Shakespeare, qui au final envoie ad patres ses personnages, s’en serait-il offusqué ? Ici, tous ceux qui tombent se relèvent peu après. Et la scène se garnit de fantômes, comme le placard bien rempli d’une nation qui excelle à retourner les armes contre elle-même.
Patrick Sourd
Julius Caesar de William Shakespeare, mise en scène Arthur Nauzyciel, en anglais surtitré. TNB à Rennes jusqu’au 14 octobre. Le Quartz à Brest les 19 et 20 octobre. www.t-n-b.fr
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